Son nom ne laisse jamais indifférent, souvent associé aux éditions cannoises. Xavier Dolan est à l’honneur sur OCS, avec une sélection de ses 6 premiers films. L’occasion de revoir un début de carrière prolifique avant sa première incartade américaine.
Dolan est réapparu sur le devant de la scène avec sa nouvelle oeuvre : Matthias et Maxime. Un retour aux sources après une parenthèse outre-Atlantique compliquée. Retrouver sa bande de copains, prendre soin de soi, s’en aller, quitter le navire pour mieux rebondir. Cette dernière pellicule sonne comme un hymne à la maturité, retrouver ses premières amours pour saisir la chance qu’il a. « Changer d’air, avoir 30 ans, avoir encore le temps », Xavier Dolan a (re)pris un peu de recul avec sa carrière de réalisateur débutée il y a 11 ans.
J’ai tué ma mère, Les Amours Imaginaires, Laurence Anyways, Tom à la ferme, Mommy, Juste la fin du monde, Ma Vie avec John F. Donovan et Matthias et Maxime. À 31 ans, le Québécois a aligné les films à une vitesse effrénée. Trop ? Hyperactif, la soif de créer ou d’émouvoir les gens, Dolan s’en abreuve jusqu’à n’en plus pouvoir. À trop en vouloir, le point de saturation se solde (sûrement) par ce fameux détour aux États-Unis – même s’il réfute le désir de faire carrière à Hollywood -, fossoyeur des rêves d’Oscars du Canadien. Le Festival de Cannes ne suffit plus, c’est les Golden Globes et les statuettes en ligne de mire pour atteindre la grandeur souhaitée. Et voilà le premier et véritable coup d’épée dans l’eau. La maestria et le charme d’un auteur qui souhaite voir plus haut, plus loin, douché par un accueil critique très mitigé. Autre aspect cardinal dans la carrière du Québécois : sa relation conflictuelle avec les journalistes. Un chemin de croix, un je t’aime, moi non plus. La rançon de la gloire pour un cinéaste clivant, entier et refusant de pratiquer la langue de bois. Tout doit sortir, tout doit éclater.
Mommy comme référence, Tom à la ferme comme le plus sous-estimé
La fureur des sentiments, des cris, des pleurs, une famille qui se déchire. Xavier Dolan a sa patte, ses couleurs, son langage ; un talent de conteur et de mise en scène. Dans Juste la fin du monde, c’est du Dolan tout craché : des fulgurances, des faiblesses, un film qui vit, qui dégouline. Mais au-delà des imperfections, il y a un amour des personnages, une envie folle de faire transpirer l’éclatement d’une famille balayée par les non-dits.
Sur le fil du rasoir, comme l’est Mommy, son chef-d’oeuvre à ce jour. Des montagnes russes comme il sait si bien l’écrire et le mettre en scène. La séquence du « faux ending » est preuve d’une vraie maîtrise. Dolan remplit les espaces, joue avec la musique pour accentuer le trait. Tom à la ferme, le sous-estimé et pourtant si bon, excellent de suspense, amplifié par la bande-son clinique de Gabriel Yared. Un tout, une mélodie que Dolan insère dans chacun de ses films. Tout prend une hauteur, on frise parfois la mièvrerie avec ses penchants kitschissimes, mais tout s’imbrique au milieu des ralentis, des gros plans, ce jeu de mise au point et la musique omniprésente. Dolan a son style, son urgence, ses thèmes. La grande infusion des joies et des peines, si juste, si pure, si vraie. Sa prose ne dort jamais, elle vous berce, vous fouette, vous fusille, elle respire la liberté.
Cette urgence qui a pris ses racines dans J’ai tué ma mère, qui s’est poursuivie dans Laurence Anyways, se retrouve exacerbée dans Mommy. La parfaite symbiose des thèmes chéris par le Québécois – il ne manque plus que la célébrité -, qui se recoupe derrière son discours dominant : la liberté. C’est à travers le prisme de la liberté que Dolan s’exprime le mieux, à travers un cinéma libre et décomplexé. Le cinéma jusqu’à l’overdose, jusqu’à la rupture. Xavier Dolan a cette tendresse et ce côté impitoyable qui font de lui un artiste tout simplement talentueux.