Enfin ! Après le clap de fin du 24 juin 2018, Westworld réouvre ses portes pour une 3ème saison. C’est hors du parc que cette 3ème mouture déballe le paquet cadeau. Un retour aux affaires somptueux, vertigineux quand le récit s’emballe, quand Dolores et compagnie déferlent dans une histoire toujours aussi dantesque.
Dolores a enfoncé la porte et a découvert le monde qui se cachait derrière Westworld, le monde réel. Sa vengeance peut commencer dans une ville futuriste. Et c’est sans plus attendre qu’elle va faire justice, se rappelant aux bons souvenirs de Jerry, un ancien participant du parc. Un bel incipit pour lancer les hostilités, avec une Dolores plus vengeuse que jamais. Car rappelez-vous, dans la saison 2, Dolores partait à la conquête de sa propre liberté. Elle voulait effacer les données des hôtes, alors que Bernard (Jeffrey Wright) voulait les conserver.
La saison 3 est une confrontation du monde réel et du parc ; les hôtes contre les humains. Le premier épisode s’amorce en 3 axes distincts : Dolores, Bernard et Caleb, le nouveau venu. Ce dernier ouvre les feux. Endeuillé, des réveils rythmés par des appels venant d’un certain Francis (Scott Mescudi) comme point d’ancrage. Caleb est hanté par son passé, laissant l’épisode dessiner les contours d’un portrait mélancolique d’un homme qui n’a pas été épargné. C’est d’ailleurs par lui que viendra la première scène iconique de cette 3ème saison, lui-même s’adressant à son ami Francis, pour la première envolée du show.
Deuil et vengeance dans une grande illusion
La première saison exposait un grand labyrinthe, la seconde représentait une porte – la porte sur un nouveau monde -, la troisième pousse le spectateur à entrer dans une grande illusion teintée de spiritualité, notre propre illusion ? Westworld continue de surfer sur l’imagerie religieuse, à l’image de la saison 2 : un eden où les âmes des hôtes se transfèrent, ou encore le mystère de la Vallée rempli de corps flottants, rappelant l’Exode hébraïque. Une série qui respire les relents religieux, avant de revenir à un ton plus spirituel armé d’une intelligence artificielle. Une première indication nous vient de Caleb, excellent personnage propulsé dans la grande machine, premier guide d’un univers incertain, cherchant quelque chose de plus « réel ».
Vrai ou faux ? L’antre de Westworld reste énigmatique. L’entame inspire Blade Runner, le rapport complexe entre une réalité et un mirage virtuel. La série en devient sensorielle, bercée par une bande-son furieuse, différente des premières saisons, plus techno-futuriste, plus cyber-punk, délaissant les airs mélancoliques signés par Ramin Djawadi. Ce rapport à la réalité et à la technologie s’enroule dans cette résonance spirituelle, représentant une réalité transformée, dictée par la violence et la vengeance. Dolores en maître d’orchestre, prête à exterminer la race humaine.

Westworld s’élève au milieu des relents vengeurs, se détourne du passé pour extraire un message : le passé est loin, place au devenir – et non à l’avenir. Un temps dans une cage, dans un scénario tout écrit, Dolores a crocheté le verrou pour écrire ses propres lignes. Construire sur les souvenirs pour avancer, pour devenir sa propre « scénariste ». Jonathan Nolan et Lisa Joy montrent la face cachée de l’iceberg des premières saisons, délaissant le parc – hormis une petite incartade dans l’Italie fasciste de la Seconde Guerre – pour orchestrer une toute autre simulation. Quelques retours dans l’enceinte Delos – le parc -, mais le monde réel est le nouveau terrain de jeu. La série persévère à distiller des banderilles de la première saison, empruntant les sentiers métaphoriques du labyrinthe.
Evan Rachel Wood brille encore
La production HBO brille encore plus, scintille quand les identités transitent au beau milieu d’un monde semblable à une simulation. La question du data est mise en exergue, comme la clé du show, comme la réponse à l’énigme. L’arrivée (plutôt tardive dans la saison) de Ed Harris densifie encore plus la question du parc, la raison que la société Delos cache derrière tout ça. Hanté par son passé, sa fille, par le parc, l’acteur américain offre une performance sublime, délicieuse de rupture. Son arrivée dans cette troisième saison est ahurissante, enfermé dans un délire psychotique, la regard vide et la barbe naissante.

Comme Ed Harris, la série entière tient sur cette délicate transition entre différents mondes, différents décors, maintenant une action savoureuse et ne baissant jamais de rythme. L’équilibre entre réalité et virtuel se perçoit facilement, grâce à des détails, des sons légèrement transformés. La grande illusion est-elle également dans le monde réel ? On se rappelle de la séquence où Delos (père) est découvert par Bernard. James Delos, maintenu en vie dans une bulle, parle de « 2 pères » : l’un en haut et l’autre en bas, modelés par la pensée et l’imaginaire collectif. Une simple question de reflet trompeur. Un discours qui fait écho à un (nouveau) personnage campé par Vincent Cassel, développant une théorie semblable – on va s’arrêter là pour éviter les spoilers. Car Westworld est un grand puzzle, un ballet d’identités pour enfin arriver à « la fin du jeu » – vraiment ? D’où la notion de réalité transformée, ou de perception faussée.
Cette troisième saison joue avec nos sens, notre perception d’une réalité toujours plus nébuleuse – une séquence de la saison 2 nous rappelle cette infime frontière entre les 2 mondes. Brouiller les pistes, découvrir la face cachée d’un monde encore plus vaste qu’il n’y paraît. Evan Rachel Wood, brillante, en est pour beaucoup dans ce soulèvement des machines. Excellente, elle rend une copie immaculée dans la peau de Dolores. Comme Aaron Paul, très bon dans son costume de dépressif et rongé par la sensation d’évoluer dans un monde qui n’est pas le sien. Des personnages aux différentes facettes, rappelant que Joy et Nolan ont créé une série mastodonte, vertigineuse quand elle convoque spiritualité et philosophie. Les travers d’une société perverse, engluée dans son passé, nageant dans le deuil et la perte, fonçant dans l’inconnu vers un final palpitant. Westworld réussit à se renouveler, à ouvrir un troisième chapitre qui propulse la série HBO dans la catégorie des séries d’exception.
La série sera diffusée dès le 17 mars en US+24 sur OCS.
L’évaluation est basée sur les 4 épisodes mis à disposition pour la presse.
Casting : Evan Rachel Wood, Ed Harris, Tessa Thompson, Vincent Cassel, Thandie Newton, Luke Hemsworth, Aaron Paul, Katja Herbers, Rodrigo Santoro
Fiche technique : Créée par : Lisa Joy, Jonathan Nolan / Chaîne : HBO / Format : 8 épisodes – 55 min / Date de diffusion saison 3 : 15 mars 2020 – 16 mars sur OCS