Vicky Jones, la moitié artistique de Phoebe Waller-Bridge, la joue solo

Son nom est encore méconnu du grand public, mais il résonne de plus en plus. Vicky Jones est souvent présentée comme l’amie de la géniale Phoebe Waller-Bridge. Trop souvent. Avec sa nouvelle et première création, le chemin accompli par Jones démontre qu’elle s’affranchit facilement de l’ombre de son amie.

Réputée pour son humilité, elle a souvent tendance à se « sous-vendre », comme l’expliquait le Guardian. À 42 ans, Vicky Jones s’est fait un joli nom dans son Angleterre natale. Dramaturge, scénariste et réalisatrice, la native de Sheffield vogue entre la scène et dorénavant le petit écran. Le théâtre comme premier fait d’arme : sa pièce intitulée The One la place comme une dramaturge à part entière. Mais le grand public la connaît avant tout comme la fréquente collaboratrice de Waller-Bridge. La moitié artistique de l’actrice et scénariste du personnage désormais ultra populaire : Fleabag. Pour la petite histoire, avant de devenir la série à succès, Fleabag, mise en scène par Jones, se jouait sur les planches. Du théâtre audacieux pour atterrir dans la petite lucarne et faire sauter les audimats.

Killing Eve, Flack et maintenant Run

Voilà 12 ans que Jones et Waller-Bridge collaborent. Elles ont même une société en commun, DryWrite. À elles deux, elles incarnent le renouveau, une écriture effrontée, piquante et virevoltante, la clé de voûte que l’on attendait pour revitaliser des récits féministes. Vicky Jones est peut-être, avec sa meilleure amie, le bâton de dynamite pour un féminisme plus nuancé et subtil. Les Suffragettes des temps modernes. Bien sûr, citons comme parfait exemple Fleabag. Si les origines du show révèlent un vrai sens comique de la féminité, elles n’ignorent pas pour autant des messages qui sous-tendent vers quelque chose de plus sombre et de plus profond. Touché !

Un succès populaire qui pousse Vicky Jones à prêter (souvent) sa plume. Ses crédits vont de Killing Eve à Flack, où Anna Paquin, plus explosive que jamais, s’amuse comme chargée de communication dans le monde déglingué du show-business. Mais le premier gros rendez-vous (en solo) de Jones est désormais acté : Run, nouvelle production HBO, qui sera d’ailleurs le premier crédit de production télévisuelle pour DryWrite. Avec une sortie agendée le 12 avril (en US+24 sur OCS), Run s’intéresse à une mère de famille épuisée qui file retrouver son amant à New York afin d’honorer un pacte amoureux vieux de 17 ans. Le langage de Vicky Jones trouve une belle résonance à travers ce personnage féminin. Brillamment interprétée par Merritt Wever (Unbelievable), la dénommée Ruby est comme une « petite soeur » de Fleabag, avec le même grain de folie. Un portrait de femme épuisée, dévorée par l’envie de sauter dans le premier train pour revivre un amour incandescent et ce, malgré son statut de mère. Un faisceau de contradictions : sensibilité et fougue. Jones brosse le portrait d’une femme de nos jours.

Écrire le scénario de Run tout en s’occupant de son bébé

Une authenticité qui peut se comprendre : Vicky Jones écrivait le scénario de Run pendant qu’elle s’occupait de son bambin. La maternité comme vecteur créatif, Jones continue de surfer sur cette nuance propre à son écriture. Un vocabulaire qui permet de mesurer la sincérité du destin comico-chaotique d’un couple de fuyards : Ruby et Billy (Domhnall Gleeson). Échapper à ses responsabilités, à la maternité, cette urgence lorsque le téléphone sonne, quand la voix du rejeton retentit. Tout ça, Run le souligne très bien. La plume de Vicky Jones placarde cette sincérité sur les parois d’un wagon de train, là où les interrogations demeurent et la grande aventure devient une échappée grisante… ou irresponsable. Les lambeaux d’une vie privée harassante pour exprimer la vie de Ruby, une femme qui décide de recouvrir ses droits et besoins. Vicky Jones s’émancipe à plusieurs égards et Run ne sera sûrement pas sa dernière création.