The Morning Show : elle mérite votre attention

Apple s’est lancé dans la danse, dans cette grande guerre que se livrent les plateformes de streaming. Prénommée Apple TV+, le service de streaming à la pomme propose d’emblée plusieurs séries alléchantes sur le papier. La première qui saute aux yeux : The Morning Show, série adaptée du livre de Brian Stelter. 

Ça envoie du pâté, vraiment ? Pour lancer Apple TV+, une acerbe immersion dans le milieu télévisuel. Les coulisses d’un grand Morning Show, incarné par 2 stars du petit écran : Mitch Kessler (Steve Carell) et Alex Levy (Jennifer Aniston). Les pontes de l’information matinale, le duo que les Américains aiment, écoutent, voire adulent. Mais quand Kessler est accusé d’harcèlement sexuel, après une fuite dans le Times, le château de cartes s’effondre. Le binôme n’est plus. Mitch Kessler est un pestiféré, un pervers prétentieux que tout le monde évite. 

Intelligente balance du mouvement #MeToo

Un premier épisode long à la détente, parfois confus et prolixe, The Morning Show réussit après sa première heure bancale à mettre enfin les points sur les i, et surtout à explorer ses sujets principaux. À commencer par le mouvement #MeToo, certes un peu opportuniste, mais un balayage des différentes perceptions du mouvement à travers les regards masculins et féminins. Steve Carrel se dit innocent, se bat bec et ongles pour faire comprendre son innocence, mais se frotte – par le biais d’une excellente séquence – à l’attitude déplacée de ses propres amis. D’après Kessler, des vagues ont frappé le show-business, des appréciations diverses pour se rendre compte des débordements de la gent masculine. 

Photo copyright : Apple TV+

Une vision masculine et féminine couplée au stress intense d’un plateau télé, d’une émission matinale à la course effrénée aux audiences. The Morning Show bétonne son récit autour de ces sujets, de notre époque en plein renouveau. Il n’empêche que la série n’est jamais dans un parti pris, il laisse ses acteurs et actrices se démener dans un décor hypocrite et figé dans l’angoisse permanente. Sous le beau vernis et le côté propret de l’information, une guerre sans merci où tout le monde utilise l’autre pour enfin le torpiller quand bon lui semble.

Billy Crudup, la grande faucheuse de UBA

La frontière entre information et divertissement est également un sujet brûlant, souvent effleuré pour intégrer la nouvelle venue, catapultée sans qu’elle ne demande rien : Bradley Jackson (Reese Witherspoon). L’élément perturbateur, devenue un phénomène internet durant un tournage mouvementé à l’occasion d’une manifestation devant une mine de charbon. Un buzz bien malgré elle qui lui ouvre les portes de UBA pour une interview avec Alex. Elle devient enfin une pièce importante sur l’échiquier pour Cory Ellison (Billy Crudup), directeur des chaînes. Lui, toujours là à émettre un jugement silencieux, fin tacticien pour ce qui est de passer des contrats. Il est l’âme, le grand coupeur de tête quand il faut booster les audiences. La performance de Crudup amène du sel dans l’histoire, un allant que le premier épisode n’avait pas. 

La recherche du divertissement au détriment du journalisme est un point souvent mis en exergue par Ellison. Et c’est à ça que répond le personnage de Witherspoon, confrontée à une vitrine chiquée du journalisme. Un écho à la série The Loudest Voice, quand Roger Ailes (Russell Crowe) explique que « les gens ne veulent pas être informés, mais se sentir informés ». Tout est apparence et show pour garder son public. 

Un monde impitoyable et manipulateur, dans la même veine que la série Scandal, dans sa mise en scène froide et ses lignes de dialogues frontales. Une véritable série télé qui met un temps pour empoigner pleinement ses enjeux, pour investir cette anxiété grandissante chez un personnage tel que Alex, ou comprendre l’illogisme d’une époque se plaignant à tout-va. « Mon problème, c’est d’être un quinqua hétéro. C’est une tare d’être un homme à présent », déplore Mitch. 

Présenté comme produit d’appel pour appâter les futurs abonnés, The Morning Show est une série solide, écrite pour « sauter » sur les scandales actuels, pour les explorer de manière holistique. Les performances de Jennifer Aniston et Reese Witherspoon sont impeccables. Steve Carrel est – comme toujours – bon, mais la figure de proue est Billy Crudup dans son costume de fauteur de trouble, d’être détestable et charmant à la fois. Son charisme fait le reste dans un parfum féministe et clinquant. 

Casting : Jennifer Aniston, Steve Carrel, Reese Witherspoon, Billy Crudup, Mark Duplass, Gugu Mbatha-Raw, Bel Powley, Nestor Carbonell, 

Fiche technique : Créée par : Jay Carson, Kerry Ehrin / Plateforme : Apple TV+ / Date de diffusion : 1 novembre 2019 / Format : 10 épisodes – 50 minutes