The Crown (saison 4) : on stream ou bien ?

La Dame de fer fait une entrée fracassante sous les traits de Gillian Anderson. Encore une nouvelle couche, l’une des plus belles, qui s’ajoute à une série toujours plus méticuleuse dans une prodigieuse 4ème saison. 

Les arcanes de la famille royale nous offrent une savoureuse percée depuis 2016. The Crown, tout d’abord sous l’impulsion d’une sublime Claire Foy, a pris une nouvelle épaisseur grâce à Olivia Colman, toujours dans le rôle d’Elisabeth II, vieillie, intraitable. Un portrait roboratif pour son créateur, Peter Morgan, sacrément inspiré. Mais les cartes sont redistribuées quand Margaret Thatcher débarque dans cette nouvelle saison tentaculaire. Elisabeth II, cacique (féminin) parmi les caciques (masculins), figure angulaire de la royauté britannique, découvre une femme qui lui tient tête. Mais il est surtout question de l’arrivée en grandes pompes de Lady Di chez les Windsor, légère comme une plume et étincelante comme les strass et paillettes de sa nouvelle célébrité.

Une patrie qui part en vrille

Les années 80 sont explosives : la montée violente de l’IRA, la crise économique qui arc-boute le pays tout entier, tout comme cette politique conservatrice d’une Thatcher intransigeante sous les traits d’une splendide Gillian Anderson. Le sort d’une patrie qui périclite, alors que Charles (Josh O’Connor), dépeint comme un être suffisant, demande en mariage Diana. Atterrissage au milieu d’une politesse glaciale et superficielle, pour une jeune fille éclatante de naturel et de douceur. Le choc des cultures dans un plâtre royal qui peine à se craqueler, la pauvre jeune fille voit rapidement ses rêves les plus fous se métamorphoser en cauchemars. 

Un bassin de vulnérabilité et de tendresse grâce à la performance plutôt miraculeuse d’Emma Corrin. Endosser le manteau d’une Diana Spencer, aussi complexe que délicate, en voilà une belle preuve de bravoure. 2 femmes comme nouveaux arguments en béton, comme curiosités d’une saison qui n’a d’ailleurs pas enchanté la famille royale. Aussi, et surtout, The Crown se mue en confrontation entre Thatcher et Elisabeth II, cognant 2 visions bien distinctes de la vie. La première est une travailleuse acharnée et la seconde n’a jamais quitté sa tour d’ivoire. Un duel acharné entre la cheffe d’Etat et la cheffe du gouvernement. 

En outre, derrière ces discussions acharnées, une vraie remise en question de la monarchie anglaise surgit. Peut-elle perdurer ? Les années 80 sont une époque où la famille Windsor est ligotée et dépecée, comme l’a été Diana Spencer (métaphoriquement, bien sûr) dans un second épisode campagnard des plus élégants et incisifs. En un simple séjour, Diana a brillé grâce à sa fougue – la fameuse, celle de la jeunesse – face à sa future belle-famille. Un passage ô combien complexe, terrifiant devant sa future belle-mère. Si bien que cette relation étrange entre elle et Elizabeth II, teintée d’interrogations, nous livre une autre gourmandise. Celle qu’Olivia Colman campe divinement se love dans cette solitude dorée, sa jeune et nouvelle « proie » se perd rapidement dans les longs couloirs de Buckingham – une âme en peine et un corps décharné. Perdue face à une famille royale et des médias envahissants, la princesse voit se greffer un apprentissage harassant des bonnes manières. L’ennui la cueille à froid…

Cette idée de transposer un destin tragique, Peter Morgan la transforme brillamment. Une jeune fille débarquée en terres hostiles, dans un Buckingham Palace aussi glacial qu’un premier entretien d’embauche. Sa seule bouée, pour la fashionista en herbe, sera la foule et ses courriers incessants. La rançon de la gloire sera la boulimie, ou encore la jalousie. Diana et ses yeux bleus pétillants vont gentiment s’éteindre pour se faire aspirer par les flash des centaines de photographes, étouffée par le brouhaha des journalistes. « The Crown », saison 4, est un sacré morceau d’une élégance exemplaire, d’une vanité crasse, d’une méchanceté latente et vicieuse. Un sans-faute.

Casting : Olivia Colman, Tobias Menzies, Helena Bonham Carter, Gillian Anderson, Josh O’Connor, Charles Dance, Emma Corrin, Freddie Fox, Marion Bailey

Fiche technique : Créée par : Peter Morgan / Date de sortie : 15 novembre 2020 (Saison 4) / Plateforme : Netflix / Format : 10 épisodes – 55 min