Le nord et le sud chantent d’une seule voix suave, celle de Tamino

Il n’a pas encore 22 ans et pourtant il affole déjà le microcosme musical belge et bien au-delà. Et pour cause. Avec un tel prénom, la route vers une carrière en chanson était déjà toute tracée (Tamino est le personnage du prince dans la Flûte Enchantée de Mozart). Une voix suave et un regard discret, ténébreux, doux aussi, Tamino, de son nom complet Tamino-Amir Moharam Fouad, distille au compte-gouttes de vibrantes mélodies telles que « Habibi », « Cigar » ou « Sun May Shine » à la manière d’un poète de son temps. Sa musique mélangeant deux cultures, belge et égyptienne, en fait un bijou brut qu’on compare facilement à des artistes tels que Jeff Buckley, Léonard Cohen ou Thom Yorke. Inconfortable lorsque de telles comparaisons sont évoquées, Tamino préfère dire qu’il crée son propre chemin musical. Prenant part à la nouvelle vague de chanteurs indie-pop belge guidée par des Warhaus et autres J. Bernardt, Tamino effleure les notes, passant des graves aux aigus, avec une facilité insolente et une nonchalance naïve, invitant par la même occasion deux continents à s’asseoir à la même table.
Photo copyright : Ramy Moharam Fouad
D’une maman belge et d’un père égyptien, Tamino a grandi au sein d’une famille de musiciens et était prédestiné à suivre les traces de ses ancêtres. Son grand-père, Moharam Fouad, était un chanteur célèbre en Égypte. Sa musique est un sublime mélange des genres, à la croisée des chemins, là où le nord et le sud se sont donnés rendez-vous. Quelques subtiles vibrations nord-africaines distillées ici et là, bercées par des airs intenses, mélancoliques, sombres et lumineux à la fois. Parti étudier au conservatoire d’Amsterdam durant 3 ans, puis sorti victorieux de l’émission « De Nieuwe Lichting » en Belgique l’année dernière (l’équivalent de La Nouvelle Star), Tamino fait les premières parties de Warhaus notamment et ensorcèle lors de sa prestation sur la scène de L’Ancienne Belgique à Bruxelles en octobre 2017. Un premier EP intitulé Habibi et le voici propulsé dans les hautes sphères de la musique internationale. Programmé à la prochaine édition du Montreux Jazz Festival aux côtés d’Adam Naas et James Bay et en tournée en Europe jusqu’à la fin de l’année, le belge portera haut les couleurs nord-africaines et belges, symbole d’une mixité culturelle typique d’aujourd’hui. Nous avons glissé quelques questions au jeune artiste flamand avant qu’il ne vienne fouler le sol vaudois le 6 juillet prochain.   Vous avez 21 ans, votre premier EP, Habibi, est sorti récemment et vous êtes à l’affiche d’un des festivals de musique les plus prestigieux, le Montreux Jazz Festival. Voyez-vous cela comme une consécration ? Quelle image avez-vous du Montreux Jazz Festival ? Tamino : Je connais surtout le festival grâce au concert enregistré de Nina Simone en 1976 que j’ai regardé plusieurs fois sur Youtube. C’est une légende. Je suis très excité et vraiment honoré de faire partie de la programmation du Montreux Jazz Festival. Dans quel état d’esprit êtes-vous à l’approche de votre concert au Montreux Jazz Festival ? Nerveux ? T. : Je ne suis pas nerveux avant de monter sur scène, je n’y pense pas trop. Sur quelle autre scène rêveriez-vous de vous produire? T. : À l’Olympia à Paris. Vous êtes égyptien et belge. Si vous deviez choisir une chose de chacune de ces cultures, lesquelles seraient-ce ? T. : La gentillesse des Égyptiens et le surréalisme des Belges. Vous êtes né dans une famille de musiciens. Auriez-vous pu imaginer faire une autre carrière que celle de chanteur et musicien ? T. : Je n’y ai jamais pensé. Ça aurait de toute façon été quelque chose de créatif. En parlant de votre famille, votre frère Ramy Moharam Fouad a réalisé le clip « Cigar ». Vous aimez travailler en famille ? T. : J’adore travailler avec mon frère car nous avons les mêmes goûts et parce qu’il est incroyablement talentueux. Il n’a que 18 ans (il a réalisé le clip lorsque j’avais 17 ans), mais il a une bonne vision et sait me mettre en valeur. Dans votre musique, on peut noter beaucoup des points communs avec des artistes comme Warhaus, sur « Indigo Night » et « Cigar » notamment. Les artistes belges ont-ils une grande influence dans votre travail ? T. : Ils ont en clairement eu au fur et à mesure que je grandissais. Surtout des groupes comme dEUS, ils m’ont beaucoup influencé. Mais je ne dirais pas de ma musique qu’elle est complètement belge. Il y a bien trop influences provenant d’autres cultures pour qu’elle soit cataloguée comme typiquement belge. Dans vos vidéos, notamment « Cigar » et « Sun May Shine », il semble qu’il y ait un désir de votre parte de rester dans l’ombre. La lumière vous effraie-t’elle?  T. : Non la lumière ne m’effraie pas du tout. J’aime l’obscurité car elle met en valeur la lumière. Mes clips sont le reflet de certains thèmes présents dans mes chansons et/ou encore le résultat d’une vision créative que je n’ai pas inséré dans mes chansons. Lorsque l’on écoute « Sun May Shine », on pense tout de suite à Radiohead et des chansons comme « Go To Sleep » ou « Pyramid Song ». Est-ce-que la musique britannique fait partie de vos inspirations ? T. : C’est drôle que l’on me pose toujours la question à propos de mes influences musicales car c’est en réalité la dernière chose à laquelle je pense lorsque j’écris une chanson. Je suis bien plus influencé par la littérature, la réflexion et ce qui se passe dans ma vie au moment où j’écris. Vous avez évoqué l’envie de collaborer avec Massive Attack (ils sont également à l’affiche du Montreux Jazz Festival cette année). D’autres artistes avec lesquels vous aimeriez collaborer ? T. : Oui bien sûr ! Beaucoup d’autres. Je pense qu’il y a beaucoup de choses innovantes qui se passent dans le hip hop and j’adorerais travailler avec certains de mes rappeurs préférés un jour. Vous avez participé à l’émission « De Nieuwe Lichting », équivalent de La Nouvelle Star. Que vous a enseigné cette expérience ? T. : Rien si ce n’est la rude réalité du monde de la musique, c’est une compétition, qu’on le veuille ou non. Toutefois, je suis très heureux d’avoir gagné et très reconnaissant envers Studio Brussels (ndlr : une radio flamande) de m’avoir soutenu. Une dernière question que nous avons pris l’habitude de poser à nos interloctuteurs : si vous deviez faire l’apologie d’une personne, célèbre ou pas, qui serait cette personne et pourquoi ? T. : Je dirais Kahlil Gibran, pour être une source d’inspiration et de motivation.   taminomusic.com