Le public s’extasie devant « Don’t Look Up » et oublie parfois des oeuvres qui méritent la même attention, voire plus. Disponible sur Apple TV+, « Swan Song » de Benjamin Cleary est le film à ne pas rater. Un voyage séduisant et déchirant d’un homme en phase terminale.
L’ami Mahershala Ali, doublé de son charisme, endosse le rôle d’un père mourant, prêt à tout pour sa petite famille. Dans un futur proche, une société secrète propose une solution radicale : remplacer le futur défunt par un clone, sans que l’entourage n’ait connaissance de la supercherie. Cameron Turner (Mahershala Ali) entame ce processus en compagnie du Dr. Scott (Glenn Close) et croise le chemin de Kate qui a choisi d’en faire de même (Awkwafina) car proche de passer l’arme à gauche.
Dans une atmosphère semblable à Ex Machina, « Swan Song » mise sur la SF cérébrale, sur les tourments amoureux d’un homme décidé de ne pas laisser sa femme et son enfant seuls. Alors capitaliser sur ce remplaçant configuré par l’intelligence artificielle, est-ce l’idée adéquate ? Sa femme Poppy (Naomie Harris) a déjà vu son frère jumeau périr dans un accident de moto. Le deuil a été dur pour la jeune femme, et horrible pour Cameron qui s’est retrouvé seul pendant une année. Cette même solitude que souhaite masquer le Dr. Scott avec son invention.
Confrontation avec soi-même, entre bénédiction et haine
Cleary dispose de son film lentement, baigné dans une magnifique esthétique, tout en y apportant une vraie plus-value philosophique et psychique, avec les confrontations de Cameron et sa nouvelle version. Son miroir lui renvoie son passé, son présent et un futur qui ne vivra pas. C’est au faux Cameron de prendre le relai, de perpétuer l’héritage pour que l’harmonie familiale ne se défasse pas. C’est là que le film offre une autopsie de notre disparition et de ses conséquences. Dans le cas de Cameron, l’idée de voir sa femme autant souffrir après la perte de son frère, a pesé et forcé la décision du vrai Cameron. Mais c’est aussi un sacrifice pour donner à son fils, Cory, et à son futur enfant une vie à l’abri de l’absence. Benjamin Cleary développe le récit avec intelligence, sonde parfois avec une justesse remarquable la difficulté de se sentir mis de côté pour le bien des siens. La subtilité du choix entre l’éthique du clonage et la transmission de témoin fait écho à la mise en scène froide et clinique, à l’instar des discours du Dr. Scott. Un choix complexe.
Un cocktail difficile à avaler pour le pauvre Cameron. Une position difficile à digérer qu’Ali réussit à camper parfaitement. L’acteur oscarisé pour « Moonlight » brille à nouveau, toujours intense dans ces rôles en retenue. Une posture délicate entre la filiation et l’amour éternel. Une réflexion très intéressante que Cleary transforme en un drame convaincant, très convaincant, porté vers le futur et les (peut-être) bienfaits de l’IA.
Casting: Mahershala Ali, Naomie Harris, Awkwafina, Glenn Close
Fiche technique : Réalisé par : Benjamin Cleary / Scénario: Benjamin Cleary / Date de sortie: 17 décembre 2021 / Plateforme: Apple TV+ / Durée : 112 min