Le concept est simple : 2 séries, 2 plateformes, mais seulement 1 vainqueur. Beaucoup trop de nouvelles séries chaque mois et trop peu d’heures en seule journée, le choix est cornélien on vous l’accorde. Pas de panique, on ratisse le terrain pour vous. Parmi les nouveautés sérielles de ce début d’automne, quelle série dominera la partie ?
Pour ce premier volet du Stream Battle, la série Utopia, diffusée dès le 30 octobre sur Amazon Prime Video, affronte Monsterland, série Hulu diffusée depuis le 2 octobre. Deux séries à faire froid dans le dos sur le papier, Halloween oblige.
Utopia, remake de la série anglaise
Ce n’est pas une suite mais bien un remake de la série britannique du même nom, celle-ci même créée et écrite par Dennis Kelly, diffusée dès 2013 et arrêtée après 2 saisons. Utopia revient à la sauce américaine cette fois, non pas avec David Fincher initialement rattaché au projet pour HBO, mais avec Gillian Flynn. Son nom ne vous dit rien ? Auteure des romans Gone Girl et Sharp Objects, le premier adapté sur grand écran en 2014, le second sur petit écran en 2018, l’écrivaine et scénariste s’attaque à une réadaptation d’une série qui avait séduit bon nombre de téléspectateurs. Entre théories conspirationnistes et quête de la vérité, que vaut ce remake ?
Becky (Ashleigh LaThrop), Wilson Wilson (Desmin Borges), Ian (Dan Byrd), Grant (Javon ‘Wanna’ Walton) et Samantha (Jessica Rothe) ne se sont jamais rencontrés mais partagent la même passion. Sur un blog, les 5 compères passent leur temps à parler de la BD « Dystopia ». Si ce comic book déchaîne autant les passions c’est que son auteur y a prédit des virus tels que Ebola ou Zika. Véritable manifeste prémonitoire, la BD est à des millions d’aficionados ce que la Bible est aux chrétiens. Alors quand les fangirls et fanboys du monde entier apprennent que la suite de « Dystopia » intitulée « Utopia » sera mise en vente lors d’une convention, l’excitation est à son paroxysme. Détenu par un couple tombé par hasard sur le manuscrit original lors d’un déménagement, « Utopia » détiendrait le secret dessein réservé à la planète. Sacré programme ! Bien décidés à acquérir le Saint Graal, les 5 amis se rendent à la convention, mais ils ne sont pas seuls à vouloir mettre la main sur le précieux objet.
À défaut d’une troisième saison de la série originale, les fans devront se contenter du remake disponible sur Amazon Prime Video dès le 30 octobre. Et hasard du calendrier, Utopia arrive peut-être au pire moment, en ces temps de pandémie et d’angoisse générale. Sur un ton mélangeant humour et drame, la série bataille sur fond de virus mortel, une sorte de grippe ayant tué déjà plusieurs dizaines d’enfants, alors qu’une course contre la montre pour la production d’un vaccin fait rage. Impression de déjà vu ? Rien qu’un peu… Ce qui est sûr c’est qu’Utopia ne va pas aider à penser à autre chose.
Les avertis verront dans cette nouvelle mouture une version plus édulcorée, moins violente mais tout aussi cynique, n’hésitant pas à dégommer ses personnages les uns après les autres. Ça dézingue à tout va et sans aucune pitié. Une Jessica Hyde cette fois interprétée par Sasha Lane (American Honey) et un Dr Christie incarné par John Cusack qu’on ne présente plus, les personnages de Utopia à la sauce 2020 restent globalement assez fades, sans jamais vraiment parvenir à susciter de la sympathie ou de l’attachement.
Malgré son côté divertissant, la série ne révolutionne pas le genre et ne supplante pas son aînée. Sans instaurer un climat de tension insoutenable et ayant fait le choix d’une photographie plus passe-partout que sa prédécesseur, les 3 des 8 épisodes visionnés se laissent consommer facilement mais ne laisseront pas un souvenir impérissable.
Les + : Rien que pour Gillian Flynn, on est partant.
Les – : Un remake ? En avait-on vraiment besoin ?
Monsterland, mini-série d’anthologie
Autre série, autre plateforme, Monsterland est une mini-série d’anthologie d’horreur adaptée de la collection de nouvelles de Nathan Ballingrud, North America Lake Monsters: Stories. Chacun des 8 épisodes raconte une histoire différente et suit donc un protagoniste différent. Adapté pour la télévision par Mary Laws, scénariste de The Neon Demon, avec Kaitlyn Dever (Booksmart, Unbelievable) et Taylor Shilling (Orange Is The New Black), les 8 épisodes font la part belle à des personnages qui ne sont pas à envier. Pauvres, abusés, marginalisés, exploités ou malades. Incarnés par des acteurs dont certaines performances sont à souligner, telles que la prestation de Taylor Schilling en femme bipolaire ou Kaitlyn Dever en jeune mère dépassée, les protagonistes sont tous sont noyés dans une profonde solitude.
À l’image de Toni (Kaitlyn Dever), personnage principal du premier épisode. Cette fille-mère sans le sous, serveuse dans un bar miteux de Louisiane. Ou Nick (Charlie Tahan), cet ado devenu adulte trop vite, dont le père a pris la poudre d’escampette et désormais forcé de s’occuper de sa mère malade. Ou encore, Kate (Taylor Schilling) et Shawn (Rebecca Colindrez), couple de lesbiennes bataillant avec la maladie mentale de la première. Les trajectoires sont diverses et violentes, les traumas, les actions et conséquences le sont tout autant. Chaque épisode est une tranche de vie, une percée dans l’intimité des personnages consumés et confrontés à des choix.
Exit donc les jets d’hémoglobine de Utopia, et bien que Monsterland ne se cache pas son appartenance au genre horrifique, la mini-série va chercher la terreur et l’émotion ailleurs. Forte en significations cachées, usant de métaphores pour creuser au plus profond des personnalités troublées de chacun des protagonistes, Monsterland est chargé de symboles et évoque les côtés les plus sombres de la race humaine.
Au fil des épisodes, inégaux dans l’intensité et la qualité d’écriture, les questions existentielles se bousculent et aux téléspectateurs de répondre : « et vous, qu’auriez-vous fait? ». Puisant dans les ressources inconscientes de chaque individu, la série met habilement en exergue les actions et leurs conséquences menant indubitablement à une seule et même conclusion : le monstre ce n’est pas l’autre, c’est soi-même. Et le titre de la série prend alors tout son sens : Monsterland, le pays des monstres.
Les + : Ça fait un peu peur et pleurer aussi.
Les – : Des épisodes bien mieux que d’autres.
Verdict ?
Plutôt sans appel, Monsterland remporte la partie. Les 8 épisodes, certes inégaux, nous rappellent assez justement que toute personne détient une part d’ombre.