« Il y a autant de douleurs dans l’amour que de coquillages sur la plage », disait Ovide il y a belle lurette. Une citation parfaite du poète italien pour lancer les débats à propos d’un sujet récurrent : les plages paradisiaques se transforment en terres de chaos. Derrière le calme et les douces mélodies des vagues, il y a souvent anguille sous roche. La première saison de « Big Little Lies » nous rappelait que derrière le vernis et les belles baraques de Monterey, les plages et le sable humide dissimulent de sombres secrets. Ou pour les aficionados de « Bloodline », les Keys se changeaient en marécages lugubres.
La plage et ses décors paradisiaques basculent souvent… en sables mouvants. Nous voilà bien loin des courses effrénées de David Hasselhoff ou Pamela Anderson dans « Alerte à Malibu », loin des petites crises adolescentes de « Newport Beach », ou du loufoque Charlie Sheen dans « Mon Oncle Charlie ». Des shows en veux-tu en voilà, mais tournons-nous vers de nouveaux horizons, avec les coquillages et crustacés comme toile de fond. Et ça tombe bien, le mois de juillet nous offre de nouvelles perspectives. Mike White et Vanessa Gazy ont pensé à notre soif de drame en milieu balnéaire.
« The White Lotus », bonbon comique et acide
Et rien de tel que de lancer les débats avec une série se déroulant dans une station balnéaire hawaïenne. Une jolie pépite produite par HBO et diffusée sur OCS depuis le 11 juillet. « The White Lotus » de Mike White propose une série à l’humour grinçant, parcourant les différentes lubies de plusieurs groupes de riches américains. Hawaï et sa réputation légendaire de paradis des surfeurs, le parfait point de chute pour quitter le fracas urbain, les vagues et les splendides piscines à débordement feront le reste. Mais rien n’y fait, c’est le drame qui se pavane. Du tragi-comique efficace et précis, comme ces nombreuses phrases lancées sans une quelconque compassion, sciemment ou inconsciemment. De la famille un peu barrée au couple parti pour sa lune de miel, ce petit monde était supposé prendre du bon temps. Mais au lieu de ratisser le sable et faire des châteaux, le chaos remonte à la surface. Noyade assurée pour ces personnages submergés par l’égoïsme et la vulnérabilité.
La série est une vraie gourmandise. Un pur délice quand le manager Armond – le toujours excellent Murray Bartlett aperçu dans « Looking » – n’hésite pas à expliquer à son employée : « les clients, il faut les traiter comme de grands enfants. » Un sourire de façade pour un personnel de service qui n’en pense pas moins, spectateurs et spectatrices des caprices de la haute société. Une comédie noire qui scrute une élite au rythme des vagues qui grattent le sable. « The White Lotus »plaît instantanément grâce à sa répartie et ses dialogues ciselés. 6 épisodes solidement construits pour un petit régal concocté par le créateur Mike White.
Un village qui porte mal son nom
Après notre escapade hawaïenne, quoi de mieux qu’un petit détour chez les kangourous. Place à l’Australie et « Eden », petite série bien ficelée à partir d’un meurtre d’une jeune femme. À la baguette, Vanessa Gazy fait moins bien que Mike White, mais « Eden » a de quoi vous embarquer dans sa petite cuisine. Un trip meurtrier à la veine onirique, baigné dans ce voile mystérieux et ses secrets révélant l’envers du décor d’une station balnéaire qui ne porte par très bien son nom.
L’épisode d’introduction met de suite le paquet concernant les grosses soirées : un manoir et une disparition inexpliquée. Scout (Sophie Wilde) et Hedwig (BeBe Bettencourt) sont portées disparues. Scout est retrouvée mais pas Hedwig. La série va s’affairer à remonter le temps et recoller les morceaux du passé. Si bien que la trame s’en retrouve légèrement brouillée par les nombreuses couches narratives.
« Eden » profite pleinement du format sériel et nous promène dans le tumulte de ce coin paradisiaque. De ces délires visuels à son détective Ezra Katz – le très bon Samuel Johnson -, la série convainc et brouille les pistes autour de la disparition d’Hedwig. La terre du chaos est bien celle du sable et de l’eau qui persévère.
