Russell Crowe en a gros sur la patate

Russell Crowe en ogre mécontent, ça donne Enragé. Un film qui ne cherche pas à réinventer le genre, mais sous une bonne couche de violence, le délire psychopathe peut se montrer divertissant.

« Je me suis fait entuber psychologiquement, physiquement, financièrement. J’ai plus rien à perdre ». L’homme que Crowe campe n’a pas vraiment envie de rire. Dès l’entame, inutile de s’embarrasser de détails, il fait irruption dans une maison pour déchaîner sa violence enfouie sur un couple et brûle le domicile en prime – cadeau de la maison. On ne saura jamais pourquoi et c’est tant mieux. Parce que l’histoire de « l’homme » – comme il est identifié dans le film – n’est pas l’angle premier de l’histoire. La folie meurtrière est plus une manière d’appuyer le ras-le-bol d’un individu simplement éreinté par la vie et par les autres.

Un scénario qui tient en 3 lignes, surtout quand le fait principal n’est qu’une vendetta dirigée vers une jeune femme, mère célibataire et elle-même dans une situation précaire, qui a eu l’audace de klaxonner l’ogre psychopathe un peu trop fort. Déferlement de violence en approche.

Bouillonnement intérieur pour violence gratuite

Encore grossi par son rôle de Roger Ailes dans la série The Loudest Voice, Russell Crowe est aussi brutal que lourd dans ses mouvements, le faciès entamé par la vengeance, les pommettes alourdies par la rage. Déchaîné, il n’hésite pas à en faire baver à celle qui a osé lui rentrer dans le cadre : Rachel (Caren Pistorius). Et c’est un jeu de chat et la souris qui commence, où l’entourage proche de sa victime désignée va en prendre plein la face – Jimmi Simpson passera un sale quart d’heure.

Car Enragé expose la violence toujours plus extrême de notre époque, le générique de début le montre avec de nombreuses archives se succédant pour comprendre le chemin vers une telle folie. La colère qui gronde, Crowe domine tout son monde, lamine ses pauvres victimes. Et il y a cette brutalité frontale, cet énergumène mâché et recraché par la société, qui dessine la vraie nature du film. Cracher son venin et décidé de tout ramasser sur son passage. Le bruit et la fureur – bien que Faulkner n’ait pas sa place dans cette oeuvre – pour une pellicule qui met en exergue les échos d’une frustration qui touche toujours plus de gens.

Une expression singulière de la violence, un gars dérangé qui souhaite juste soulager sa colère. Et Crowe sait le transmettre, sans détour, se laissant emporter dans un torrent de colère dévastateur. Derrick Borte érige là un film qui ne mérite pas des éloges, certes, mais il fonce dans son propos, de manière jusqu’au-boutiste. Et même si 2-3 détails peuvent froisser, comme le comportement peu subtil de Rachel, cette ode à la violence gratuite a quelque chose de parfois drôle. Un thriller divertissant, sans plus, assez fun quand Crowe se laisse emporter dans les rouleaux d’une colère noire.

Casting : Russell Crowe, Caren Pistorius, Gabriel Bateman, Jimmi Simpson

Fiche technique : Réalisé par : Derrick Borte / Scénario : Carl Ellsworth / Date de sortie : 26 août 2020 / Durée : 90 min / Musique : David Buckley / Photographie : Brendan Galvin / Distributeur : Elite