Alors que les cinémas sont bouclés depuis quelques semaines, les plateformes de streaming tentent tant bien que mal de combler le vide abyssal laissé par les salles obscures. Peine perdue on le sait bien, mais en attendant de vibrer à nouveau devant le grand écran, le petit fera l’affaire. Et parce qu’il n’y a pas que Netflix, on a guigné sur les autres plateformes de streaming pour vous proposer deux films à se mettre sous la dent.
Run (Hulu)
Sarah Paulson laisse tomber l’habit d’infirmière dérangée pour revêtir celui de maman psychopathe. On doit admettre que les personnages détraqués vont comme un gant à l’actrice américaine. Celle qui s’est fait connaître du plus grand nombre grâce à ses rôles dans American Horror Story poursuit sur le chemin horrifique en interprétant cette fois une mère ultra possessive dans Run.
Diane est la mère de Chloé, une adolescente en proie à une multitude de maladies. Diabète, asthme, paralysie ne sont qu’un aperçu du tableau. À presque 18 ans, la jeune fille brillante et ambitieuse rêve d’aller à l’université. Cloîtrée chez elle depuis sa plus tendre enfance et couvée par une mère sur-protectrice, Chloé se voit déjà voler de ses propres ailes et découvrir le monde. Geek en puissance, elle passe ses journées à potasser et bidouiller sur ses gadgets électroniques. Les jours se suivent et se ressemblent aux côtés d’une maman plus qu’attentive. Une alimentation au poil, une routine médicamenteuse stricte et l’école à domicile, Diane veille au grain. Mais un matin, l’ado remarque quelque chose d’étrange dans les courses que sa mère vient d’acheter : sa boîte de cachets ne porte pas son nom mais celui de sa mère. À partir de ce moment, la jeune femme commence à douter des motivations de Diane.
Sorti le 20 novembre, Run fouille dans les méandres d’une relation mère-fille toxique. Après Searching présenté au Festival de Sundance en 2018, Aneesh Chaganty remet le couvert pour un deuxième long métrage dont il co-signe le scénario avec Sev Ohanian. À mi-chemin entre drame psychologique et conte horrifique, le récit avance à un rythme fébrile dans l’exploration du lien qui unit un parent et son enfant. Non sans rappeler la série « The Act », autre programme Hulu traitant également du syndrome de Münchhausen par procuration, Run aborde un thème complexe : le besoin malsain d’une personne d’exister à travers son seul rôle de parent. Et Paulson l’incarne à la perfection. L’actrice américaine a déjà prouvé à maintes reprises que son jeu parvient à convoquer subtilement sympathie et effroi. Dans Run, elle réitère l’exercice périlleux d’incarner une personne déviante camouflée sous le visage d’une femme aux intentions louables.
Aux côtés de Paulson, la jeune Kiera Allen, dont c’est la première apparition dans un long métrage, réalise une bonne entrée en matière en interprétant le rôle principal, une jeune femme handicapée. L’actrice de 22 ans est elle-même une personne à mobilité réduite à la ville et donne une touche de réalisme supplémentaire à son personnage.
Bien que dès le départ, l’intrigue soit déjà toute tracée et sans grand suspense, on se laisse tout de même embarqué dans cette histoire, confrontation de deux entités féminines. Huis-clos tendu sans être surprenant, on peut déplorer le manque de développement des personnages, notamment celui de Diane qui aurait mérité que l’on s’attarde plus sur ses failures. Au lieu de ça, on devra se contenter d’une explication basique sur le pourquoi du comment de ses agissements. Un peu trop léger comme justification mais Run reste malgré tout un divertissement correct.
Uncle Frank (Amazon Prime Video)
Autre ambiance, autre époque. Nous sommes dans les années 70, en Caroline du sud. La jeune Beth Bledsoe (Sophia Lillis) part étudier à l’université de New York, là où Frank (Paul Bettany), son oncle, officie en tant que professeur de littérature. Intelligent, charismatique, en rupture avec les conventions de l’époque, cet oncle Frank inspire sa nièce. Mais Bientôt, l’adolescente en découvre plus sur cet homme. Elle réalise qu’il a caché tout un pan de sa vie à sa famille. Ce dernier est en réalité homosexuel et vit en couple avec son partenaire Wally (Peter Macdissi). Mais voilà, les secrets ne restent jamais cachés bien longtemps et un retour forcé en terres natales va faire basculer l’équilibre fragile de Frank. Contraint de rentrer au bercail avec Beth suite au décès du patriarche du clan Bledsoe – le père de Frank et grand-père de Beth -, Frank va devoir affronter les démons du passé, des fardeaux qu’il traîne depuis tant d’années l’empêchant d’être en paix avec lui-même.
Papa de Six Feet Under ou encore True Blood, scénariste de American Beauty, film pour lequel il a reçu l’Oscar du meilleur scénario original en 2000, Alan Ball est de retour derrière la caméra avec Uncle Frank 13 ans après son premier long métrage, Pureté Volée (Nothing is private). L’histoire de Uncle Frank fait écho au vécu du réalisateur. Sans être autobiographique, le récit puise dans l’histoire personnelle du cinéaste qui, en son temps, a lui aussi fait son coming out. En décalage avec les siens, comme venu d’une autre planète, le personnage de Frank incarné par Paul Bettany est un incompris des siens. Il n’a ni le look, ni les manières du sud. Citadin jusqu’au bout des ongles, instruit et brillant, il impressionne sa nièce et devient son mentor. La jeune fille, interprétée par la jeune Sophia Lillis aperçue dans les films d’horreur Ça ou les séries Sharp Objets et I am not OK with this, voit en cet oncle un guide quasi spirituel qui changera à jamais sa vision de la vie en une simple et unique phrase : « Tu peut devenir qui tu veux ».
Quand bien même Uncle Frank est le projet le plus personnel d’Alan Ball à ce jour, il est loin d’avoir le cynisme grinçant d’American Beauty ou la profondeur d’écriture de Six Feet Under. À défaut d’avoir hérité de toutes les qualités de projets antérieurs de Ball, Uncle Frank reste un film digeste emmené par un Paul Bettany à la hauteur.