Paris Police 1900 : Une Belle Époque éclatée et consumée par la violence

Paris Police 1900 est à l’image d’un roman épais qu’on décortique et avale chapitre après chapitre. Fabien Nury se lance dans le pari d’une série longue de 8 épisodes fournis et documentés. Une immersion exigeante dans un contexte politique violent, se télescopant avec un meurtre sordide.

L’affaire Dreyfus, en 1899, noircit l’humeur des habitants et pulse en toile de fond. La gazette de « L’Antijuif » ne cesse d’être lue et de battre des records de tirage. Paris sombre dans l’antisémitisme, elle est prête à s’embraser et voit les cadavres s’entasser dans les rues. Un premier macabé, et non des moindres, lance Paris Police 1900 : le président Felix Faure. Une ouverture qui donne le ton : Faure passe l’arme à gauche alors que sa maîtresse Meg Steinheil lui prodigue une gâterie. Une mort surprise qui entraîne une autre, celle d’une inconnue retrouvée dans la Seine. L’affaire va donner l’angle de la nouvelle série policière estampillée Canal+.

Pléthore de personnages

Derrière cette montée virulente de l’antisémitisme, la République est au bord du gouffre, pliant face aux anarchistes et aux nationalistes criant leur rage. Au milieu de cette cohue, Nury façonne son histoire aux couches multiples et autour de nombreux personnages : l’inspecteur Antoine Juan (Jérémie Laheurte), la femme vénale et revancharde Meg Steinhell (Evelyne Brochu), Fiersi (Thibaut Evrard), le nouveau Préfet Louis Lépine (Marc Barbé), la jeune avocate Jeanne Chauvin (Eugénie Derouand), la famille Guérin ou encore Madame Lépine (Valérie Dashwood). Un panel de personnages qui manque de nous perdre (parfois) tant la distribution est fournie, tant ils s’enchevêtrent.  

Ce petit monde est projeté dans une ambiance noire, une atmosphère charbonneuse et semblable à l’Aliéniste. Ce Paris-là est sombre, ces ruelles brumeuses recèlent d’incertitude. L’implosion d’une République qui transpire dans le moindre plan, dans le moindre jeu de lumière. La première chose qui frappe est ce travail méticuleux, cette beauté plastique, ces plans serrés. Se plaquant à la corruption et à la violence qui enveloppent le récit, l’esthétique expose ce miroir d’une Belle Epoque sombrant dans la brutalité, dans une politique crasseuse et corrompue.

En ces temps troublés, Paris Police 1900 reflète une parcelle de notre époque actuelle, formant une résonance toute particulière avec les événements récents : le lien entre les forces de l’ordre et la population. L’éventail autour d’un ordre à maintenir pour ne pas voir un pays péricliter, voilà ce à quoi tient la série, laissant même le meurtre devenir évanescent. Délaissant par moment le genre policier, Fabien Nury use du pogrom comme d’un souffle de l’apocalypse, surtout pour basculer dans une série aux relents (très) actuels.

Un récit parfois statique

Se mouvant entre les différents groupuscules, l’histoire est un sacré morceau – 8 épisodes approchant souvent les 58 minutes -, qui peut décourager par sa mise en place délicate, par sa ribambelle de personnages. Si sa grande force réside surtout dans qualité irréprochable des dialogues, le script peut nous tenir à distance, restant statique à plusieurs reprises. Toujours est-il que Paris Police 1900 brille quand Antoine – excellent Jérémie Laheurte – croise le chemin de Fiersi, démêlant le vrai du faux. Un ballet de visages balafrés, des corps vérolés où les femmes se doivent de garder leur armure pour éviter les assauts d’hommes peu scrupuleux.

Après sa timide création « Guyane », Fabien Nury réussit une guerre civile aux mouvements incessants, à l’écriture solide. La caméra élégante de Julien Despaux, Frédéric Balekdjian et Fabien Nury himself nous plonge dans un Paris proche de l’implosion. Et alors que les décisionnaires se battent tels des coqs en furie dans la basse-cour, l’image de cette femme découpée en plusieurs morceaux symbolise la série : la plèbe est démembrée sur l’autel de l’autorité et la violence des Hommes. L’identité d’un pays en sortira brisée.

Casting : Jérémie Laheurte, Evelyne Brochu, Thibaut Evrard, Marc Barbé, Eugénie Derouand, Patrick d’Assumçao, Alexandre Trocki, Hubert Delattre, Valérie Dashwood, Christophe Montenez, Christian Hecq, Anthony Paliotti, Anne Benoît

Fiche technique : Créée par : Fabien Nury / Date de sortie : 8 février 2021 / Plateforme : Canal+ / Format : 8 épisodes – 55 minutes