Il est enfin là ! Bon, pas le temps de niaiser, une vodka martini avalée et nous voici dans le 25e James Bond, synonyme de chant du cygne pour Daniel Craig dans le rôle de 007. Mais « Mourir peut attendre » porte (aussi) le sceau du talentueux Cary Joji Fukunaga, plus habitué des productions indépendantes, particulièrement attendu derrière la caméra.
Une ouverture qui nous rappelle une séquence tirée d’un film d’Anton Corbijn, celle de « The American ». Mais à la place de l’assassin campé par George Clooney, nous retrouvons le glacial Rami Malek, dans la peau de Lyutsifer Safin – ou le petit clin d’oeil à Lucifer nous permettant de saisir la sournoiserie du personnage. Mais avant de lancer les hostilités, rappelons que Bond a quitté les services secrets et le MI6. Dorénavant, il prend du bon temps avec Madeleine Swann (Léa Seydoux). Roucouler et laisser le passé dans un coin, disons que ce n’est pas chose aisée pour l’agent secret et sa horde de méchants aux trousses. Un petit passage sur la tombe de Vesper Lynd (l’inoubliable Eva Green), et voilà que les ennuis reviennent. La cause? Les nombreux fantômes de Spectre, incarnés par le vilain Ernst Stavro Blofeld (Christoph Waltz). Une affaire qui sent le roussi et provoquera le retour de Bond à Londres, à contrecoeur, dans le monde de l’espionnage. Mais les choses ont changé. Le renouveau toque à la porte du légendaire double 0, puisque un nouvel agent lui a piqué son matricule: une femme (Lashana Lynch).
Quête personnelle et génocide mondial
Bond aidé dans son combat contre la grande menace, un supervirus capable de raser des populations entières. Cette arme biologique de destruction massive est entre les mains de Safin, et de son scientifique un peu barré, Valdo Obruchev, joué par l’excellent David Dencik. Après son rôle de Mikhail Gorbachev dans « Chernobyl », l’acteur suédois semble se plaire à jouer les russes. Dencik se greffe à cette myriade de personnages, des gueules et des talents. En plus de Dencik, Ana de Armas – géniale malgré sa courte apparition -, Lashana Lynch, ou encore Billy Magnussen sont de la partie.

Et Daniel Craig dans tout ça ? L’ère Craig prend fin, son dernier film, ses dernières cascades après 16 ans de bons et loyaux services. Les infatigables Neal Purvis et Robert Wade, avec les arrivées de Phoebe Waller-Bridge et Cary Fukunaga, lui pondent un scénario qui prolonge la lente retraite de l’agent secret. Craig en avait besoin – de ce genre de scénario -, imparfait et musclé, perpétuant la veine traditionaliste de la franchise, gardant les accents « flemingiens » pour enfin déborder vers la modernité, et la naissance d’un nouveau souffle pour 007.
Cary Fukunaga réussit à capturer le déclin d’un homme qui, machine à tuer et séducteur dans l’âme, laisse enfin ressortir sa sensibilité enfouie. Peut-être que ce Bond-là est plus incarné que les précédents – la caméra s’attardant souvent sur les yeux de Craig, telle une vitrine du passé. Ce volet est le film testament, l’histoire qui présente le plus de reflets du passé pour enfin poser un regard sur le personnage qu’est James Bond, sa place et sa condition. Son affrontement avec Safin – un personnage au tableau très religieux et symbolique – analyse l’homme, le genre de héros qu’il est dans sa propre tragédie.
Si « Mourir peut attendre » est le plus clair du temps un véritable « James Bond », avec son action rythmée et ses codes humoristiques, Fukunaga ose dresser un portrait d’un tueur et d’un homme qui périclite. Quitte à voir James Bond phagocyter l’action pour procéder à une promenade rétrospective.
Les honneurs sont donc saufs pour Craig ; sa sortie, même perfectible, est réussie. Mention également à Cary Joji Fukunaga, injectant de cette audace, comme de cette action maîtrisée – les séquences à Cuba et en Italie sont d’excellentes factures. Dans la transition, peut-être que « Mourir peut attendre » coince à certains égards, manquant parfois d’agilité – à trop vouloir jongler avec beaucoup de balles, certaines tombent. Mais dans la globalité de l’entreprise, le résultat est bon. La photographie de Sandgren est belle, et le film parvient à supporter le poids des attentes. L’héritage de Craig est donc amorcé.
Casting : Daniel Craig, Rami Malek, Léa Seydoux, Ana der Armas, Lashana Lynch, Ralph Fiennes, Christoph Waltz, Ben Wishaw, Naomie Harris, Jeffrey Wright, Billy Magnussen, David Dencik, Rory Kinnear,
Fiche technique : Réalisé par : Cary Joji Fukunaga / Date de sortie : 30 septembre 2021 / Durée: 2h43 / Scénario : Neal Purvis, Robert Wade, Phoebe Waller-Bridge, Cary Joji Fukunaga / Musique : Hans Zimmer / Photographie : Linus Sandgren / Distributeur suisse : Universal Pictures