Il était difficile de trouver un coin au frais en cette soirée du 1er juillet, sur les rives du Léman. Et la température n’était pas prête de redescendre car, après la prestation du groupe français de The Blaze, était attendu au Lab, le duo électro-pop le plus tendance du moment : Odesza. Après s’être produits dans le monde entier, dans des stades énormes, sans discontinuer pendant près de 2 ans et avoir foulé les scènes des festivals les plus en vue de la planète, tels que le coolissime Coachella, les Américains faisaient escale à Montreux et ont montré ce qu’ils ont dans le ventre. Et la Riviera vaudoise n’a pas été déçue.

Les attentes étaient plutôt grandes car le show « A Moment Apart Tour » est réputé pour être parmi les performances live les plus vibrantes du moment, avec musiciens et light show démentiels. On va tout de suite calmer les esprits : vu la configuration du Montreux Jazz Lab, il a clairement fallu adapter le show au lieu. Exit donc les gros effets de lumières et autre drumline de 15 âmes. On dénombrait 4 personnes : les 2 membres du groupe, Harrison Mills et Clayton Knight, t-shirts et pantalons noirs, runners au pieds, accompagnés de deux cuivres, flanqués de chaque côté de la scène. Et même si le spectacle aurait fait subir à quelque épileptique que ce soit une crise digne de ce nom, on est bien loin de la performance aperçue dans le sublime amphitéâtre de Red Rocks, en plein milieu du Colorado. Habitués à des terrains de jeu bien plus vastes, Mills et Knight ont du revoir leur folie des grandeurs à la baisse. Et est-on en droit de se demander si un tel groupe n’aurait pas mérité de se produire au Stravinski ?… La question reste ouverte.
Sur le coup des 21h30, avec une ponctualité presque flippante, la voix de Brit Marling, tirée du film Another Earth : The Russian Cosmonaut retentit : « the only way to save his sanity is to fall in love with this sound ». Et la phrase est toute trouvée. Les images dignes d’un Interstellar de Nolan se succèdent. On sillonne les entrailles d’une station spatiale et d’un coup, nous voilà projetés hors du vaisseau. « A Moment Apart » plonge la salle dans une apesanteur qui perdurera jusqu’à la fin du show. Nos pieds ne retoucheront plus Terre.
Le set des natifs de Seattle mélange nouveaux et anciens morceaux. Les trois albums studio du groupe, notamment le dernier en date, A Moment Apart (2017), sont parcourus durant plus d’une heure de concert. De « Bloom » en passant par « Falls », « Line Of Sight », « Late Night », ou encore « Sun Models » featuring Madelyn Grant, un des morceaux phares du groupe qui totalise plus de 110 000 000 millions de streams sur Spotify et durant lequel la foule se déchaîne, Odesza balance son répertoire chill à un rythme effréné et avec une énergie électrisante. Et le public, certes acquis à la cause, en reçoit plein les oreilles et les yeux, les bras levés au ciel. Au beau milieu de la fosse, l’ambiance entamée par le duo est à son paroxysme. Puis, vient le moment où Odesza joue les premières notes de « Across The Room », une collaboration avec l’excellent Leon Bridges qui doit se produire sur la même scène deux jours plus tard. Et on se prend à rêver d’une apparition du chanteur texan pour interpréter le titre en live… Espoirs déçus. Mais ça ne gâche en rien le plaisir de l’audience qui ne fatigue à aucun moment. Du début à la fin, les Américains filent une dose d’énergie débordante et une claque électro-pop-chillwave qui donne l’irrépressible envie de danser. Toujours en apesanteur, la salle rugit et le sol tremble. La température, qui n’a fait que grimper durant plus de 60 minutes, atteint des sommets alors que Mills et Clayton amorcent le titre clôturant le concert. Le public saute, tape dans les mains avec encore plus de ferveur qu’au début, une fin en apothéose. La redescente sur Terre prendra quelques minutes, les oreilles sifflant et la tête vibrant encore des mélodies « easy-going » d’Odesza.