Après son virage hollywoodien et John F. Donovan, Xavier Dolan revient à un cinéma plus intimiste avec Matthias et Maxime. La beauté de la jeunesse, le questionnement amoureux, un retour aux sources bienvenu.
Quand deux amis s’embrassent pour les besoins d’un court-métrage, le vent des tourments se lève. Un baiser fougueux, sans réel sentiment, presque amical. Et voilà que tout s’en va, tout devient flou et compliqué. Matthias (Gabriel D’Almeida Freitas) voit sa vie prendre une autre direction. Les doutes vont même impacter son cercle social, son couple, ses convictions. Maxime (Xavier Dolan), en pleine tempête, préfère acter un voyage loin des siens.
Un récit en rupture, si proche de voir l’élastique céder alors que tout semblait si anodin. Dans cette maison de vacances baignée dans les sublimes couleurs automnales, le vertige amoureux, l’incompréhension. La musique pop laisse place aux magnifiques compositions signées Jean-Michel Blais et surtout à un Xavier Dolan plus intime, plus altruiste dans son cinéma. Après sa débâcle américaine, Matthias et Maxime se dresse telle une pierre angulaire dans la filmographie du Québécois. Nouveau départ après l’inflexion John F. Donovan, des élans de passion réflexive emportant tout sur son passage.
Le lac, le point de rupture sublime
La caméra se faufilant au milieu de la sauterie, la dimension sociale et amicale évolue comme le sentiment amoureux. Matthias est le sujet principal du film, Maxime est plus un support dans l’histoire. L’un est déboussolé, touché au plus profond de lui. L’autre est résigné, fatigué par la relation tumultueuse qu’il entretient avec sa mère. Le vent des tourments souffle par rafales dans la petite vie rangée de Matthias. Un baiser et la rupture émotionnelle est consommée. La scène du lac est ce point d’orgue, ce sentiment de perdition que Dolan cible majestueusement. Nager, se dépenser, fuir la réalité. La dépense physique pour bouclier.
Dolan retrouve une spontanéité qui cadre son cinéma, qui le poétise même. L’accent québécois à couper aux couteaux, le film prend racine au milieu d’un dilemme anodin devenu une affaire acide. Le bouillonnement amoureux, la folie des sentiments dans un cercle chaleureux et affectueux, si proche d’imploser tant il est question d’une remise en question forte et intempestive pour l’un des membres. Matthias, la clé de voûte, se tâte et se confronte au grand vide existentiel qu’il n’arrive pas à combler : son orientation. Le film flirte avec la mince barrière – fragile et si ténue – de l’amitié et de l’amour. Matthias et Maxime brûle de désir avant de succomber. Ce petit court-métrage, cet objet de la controverse, pose cette interrogation : le cinéma pour questionner, la réalité pour y répondre.
S’étirant comme la longue réflexion de Matthias, dont la performance de Gabriel D’Almeida Freitas est à souligner, l’histoire imaginée par Dolan perd parfois en épaisseur, en intensité, mais reste infiniment généreuse. Sa précision parfois clinique pour évoquer solitude et imbroglio sentimental nous ramène à cette relation toxique dans Tom à la ferme. Il y a de l’humilité, de l’intimité, une quête de soi explorant la complexité psychique et physique. Cette tache de vin sur le visage du personnage de Maxime pourrait expliquer la véritable raison de cette relation : une tache sur le coeur qu’on souhaiterait cacher mais qui reste et restera visible quoiqu’on fasse.
Casting : Gabriel D’Almeida Freitas, Xavier Dolan, Anne Dorval, Pier-Luc Funk, Samuel Gauthier, Adib Alkhalidey, Catherine Brunet, Harris Dickinson
Fiche technique : Date de sortie : 30 octobre 2019 / Durée : 120 min / Scénario : Xavier Dolan / Musique : Jean-Michel Blais / Photographie : André Turpin / Distributeur suisse : Pathé Films