Losing Alice : on stream ou bien ?

Apple TV+ nous propose une série qui se positionne déjà comme l’une des pépites de 2021. « Losing Alice », créée par Sigal Avin, plaque une histoire haletante entre désir et renaissance personnelle.

« Ça fait longtemps que je ne me jette plus à l’eau sans réfléchir » avoue Alice Ginor (Ayelet Zurer). Voici une belle description pour une cinéaste en panne d’inspiration et mère de famille approchant la cinquantaine. Elle est mariée à David (Gal Toren), acteur à la carrière bien construite et au sommet de son art. Alice, angoissée de sentir sa carrière stagner, fatiguée de vivre dans l’ombre de son mari, rencontre par hasard une jeune scénariste, Sophie Marciano (Lihi Kornowski) : intrigante, sulfureuse, les deux femmes vont échanger durant un voyage en train. Et une chose en entraînant une autre, Alice est nommée comme réalisatrice pour le projet de Sophie, avec David dans le rôle principal. 

Une routine mise à mal

C’est par fragments que Sigal Avin construit magistralement un thriller psychologique dangereusement glissant. La cause : Sophie, cette figure qui cristallise l’attention, débarquant sans crier gare au milieu d’un couple à la routine bien huilée – trop ? « Losing Alice » s’explore par strates à travers cette séductrice au corps souvent légèrement vêtu. Auteure d’un script transgressif, objet des convoitises, elle opère sur le couple telle une obsession artistique un temps, avant de prendre des airs de cauchemars et surtout d’épée de Damoclès sur un mariage sans histoire. 

La grâce de Lihi Kornowski – son regard de serpent et sa fragilité naissante pour laisser place à une rage brutale – nous renvoie à cette sensation de voguer en eaux troubles constamment. L’incertitude autour de son passé, l’agitation qu’elle occasionne dès son entrée en scène, comme ses intentions toujours floues, Kornowski assure le show, faisant glisser le récit dans un voile noir. Un piège qu’Alice – la divine Ayelet Zurer – peine à déjouer, au prise avec ses intentions et ses désirs. Pire, elle se plaît à suivre les contours d’une presque renaissance, retrouvant une seconde jeunesse, soufflant de nouveau le désir, recouvrant son instinct artistique ; Sophie lui permet de lâcher prise – une scène de Gaga l’exprime par les mouvements -, mais Alice laisse surtout entrer le loup dans la bergerie. 

Se sentant enfermée dans son rôle de mère soucieuse de voir sa carrière lui filer entre les doigts, le personnage d’Alice est une excellente équation qui évite astucieusement les clichés. Avin constitue une trame fantasmatique, axée sur une élégance du cadre et narrativement un narcissisme latent. Surtout, cette série transpire la toxicité relationnelle, formant même une frontière dangereuse à sauter entre le désir et la création. 

Photo copyright : Apple TV+

« Losing Alice » est donc un scénario dans le scénario, une série dans la série. Cet objet de tous les tourments, le script de « La Chambre 209 » s’applique à Alice et son destin de mère de famille, surtout de femme enfouissant son talent artistique car (peut-être) chiffonnée par cette pression sociale de connaître les joies de la maternité. Alors quand elle se décide de « sauter à l’eau », elle nage dans un bain d’érotisme, un lagon de sensualité, en compagnie de Sophie, l’ondine israélienne prête à noyer un mariage par sa malice et sa plastique. Sigal Avin réussit un grand coup avec « Losing Alice ».

Casting : Ayelet Zurer, Lihi Kornowski, Gal Toren, Yossi Marshek

Fiche technique : Créée par : Sigal Avin / Date de diffusion : 22 janvier 2021 / Format : 8 épisodes – 50 minutes / Plateforme : Apple TV+