Venu défendre Magari de Ginevra Elkann au festival de Locarno, Riccardo Scamarcio s’est assis à la même table que nous, le temps d’un café. Acteur sorti de l’anonymat grâce à Trois mètres au-dessus du ciel, son nom est dorénavant associé à un cinéma plus exigeant. Portrait.
Regard de braise et charisme indéniable, Riccardo Scamarcio vous accueille chaleureusement. L’homme en impose, souvent à gesticuler, à accentuer le trait au moment d’évoquer des scènes, des films. On profite de sa bonne humeur pour lui glisser cette question : à savoir si les rôles de Matteo dans Euforia, et celui de Carlo dans Magari suivent une certaine continuité : « L’analogie est très intelligente. Ce sont des films différents mais il y a des points communs entre les deux. La ressemblance est dans le ton, dans la façon. Mais dans Euforia, mon rôle est plus complexe, plus tragique. » Et qui dit tragique, dit tragédie grecque : « Matteo dans Euforia cherche la mort, c’est un vrai personnage tragique. C’est un personnage digne de Dionysos. Carlo, lui, est plus dramatique, plus léger que Matteo. »
Riccardo Scamarcio est cet acteur sanguin, théâtral, captivant à l’évocation de ses rôles. « Le challenge était de rendre Carlo sympathique, de l’aimer malgré ses actes, malgré ses failles visibles. Ginevra Elkann pose un regard très doux sur ses personnages. Une chronique familiale qui l’assied un peu plus dans le canapé et il s’interrompt net, prend un air grave : « Vous savez, Magari expose les problèmes familiaux. Dans n’importe quelle famille il y a de l’amour, malgré tous les problèmes du monde. »
« J’adore jouer les méchants »
Après le succès de Trois mètres au-dessus du ciel (Tre metri sopra il cielo), le natif d’Andria campera plusieurs rôles de mafieux, notamment dans John Wick 2 (2017) ou encore dans Gibraltar (2013). Une carrière de sex-symbol puis de hors-la-loi impitoyable, Scamarcio préfère se glisser dans la peau des méchants. « J’ai toujours aimé jouer les criminels, les gangsters. Il y a un rapport continuel entre la vie et la mort. Il est si mince. Beaucoup de films en parlent de ces hommes en marge, en font une analyse des contradictions et des paradoxes de l’être humain. » Et selon lui, quel est le gangster le plus mythique du cinéma ? : « Tony Montana! » La réponse gicle. Mais pour lui, il est surtout question de films mythiques, moins de personnages. » Taxi Driver, Carlito’s Way. Dans ces films, il y a des valeurs, un amour puissant, des dynamiques atypiques. »
« Le plus important c’est Noodles »
Riccardo Scamarcio est un passionné de cinéma et il le transmet, c’est même contagieux. « Once Upon a Time in America. Le plus important c’est Noodles, il est au-dessus de tout », s’exclame-t-il. « Tu ne peux pas vivre sans ce film.» Il sort son portable et choisit sur Youtube la scène du baiser entre Deborah et Noodles. Ses yeux s’illuminent et se fixent sur l’écran. « C’est un chef-d’oeuvre pour l’éternité. » La même intensité, la même émotion pour évoquer un classique que pour camper un rôle.
Il vous donne la chair de poule et c’est peu dire. Il respire le cinéma, le vit même dans ses entretiens. On délaisse les classiques pour revenir sur lui, sur sa trajectoire. Une carrière remplie, qui l’a vu jouer devant les caméras d’auteurs talentueux. Mario Martone, Woody Allen, Abel Ferrera, Asif Kapadia et bien sûr Paolo Sorrentino. Mais qui choisir au milieu de ces noms : « Euforia de Valeria Golino fut mon expérience la plus marquante. » Qui plus est son ex-femme, avec qui il a gardé de bons contacts.
Qui dit cinéastes à foison, dit productions internationales variées. « Les Anglais, j’aime beaucoup. Le jeu, la réalisation, la production. Les Britanniques sont forts, c’est les Italiens il y a 30 ans. » Et pour terminer, alors qu’il ne vous lâche pas des yeux, quel regard pose-t-il, à 39 ans, sur sa carrière ? : « Je peux enfin commencer ! » À l’image de cet entretien, à l’image de ses choix, Riccardo Scamarcio inspire, fait preuve de fraîcheur. L’acteur est brillant, l’homme l’est encore plus.