Locarno 2018 | Mélanie Thierry : « Je cherche à me dissimuler derrière mes rôles »

À l’affiche de Le Vent Tourne de Bettina Oberli, Mélanie Thierry fait étalage de son talent dans le rôle de Pauline, une jeune femme prête à s’émanciper pour goûter à une nouvelle vie. Grâce à son flegme et sa capacité à visiter les fractures que forment son personnage, l’actrice française de 37 ans apparaît un peu plus comme une comédienne constante, de plus en plus établie dans le paysage du cinéma d’auteur français.

 

Dans plusieurs interviews, vous disiez mettre l’accent sur des rôles qui vous ressemblent. Quel trait de caractère vous rapproche de Pauline ?

Je ne cherche pas à camper des rôles qui me ressemble. Je cherche avant tout à me dissimuler derrière des rôles pour raconter qui je suis. C’est pas exactement la même chose. Et parfois, certains écrivent comme des cochons et d’autres écrivent bien. J’ai tendance à ne jamais rien relire, parce qu’autrement je peux devenir un peu échaudée. Mais quand je joue, j’essaie de mettre une part de moi-même dans mes rôles. On essaie de mettre une part de soi dans les rôles qu’on interprète. Quelque chose qui sommeille au plus profond de vous. De plus, comme je suis une personne pas très habile pour se livrer en interview, la seule façon que j’ai pour me raconter, c’est à travers les rôles, à travers la vision d’un personnage et tout ça me permet de tisser quelque chose qui me ressemble. Mais ce n’est pas pour autant que le rôle me ressemble. C’est plus ambigu.

Je ne suis pas une personne très habile pour se livrer en interview

Dans vos derniers films, on sent que vous cherchez à camper des femmes fortes. Comme dans Le Vent Tourne, on a cette sensation que vous cherchez à vous glisser sous les traits de femmes qui veulent s’émanciper d’une autorité masculine.

On raconte souvent comment les femmes s’émancipent, comment les femmes essaient de faire connaissance avec elles-mêmes en se libérant des carcans. C’est un schéma assez classique pour les grandes héroïnes du cinéma.

En 2018, les personnages féminins sont plus écrits, plus présents et forts. Ne trouvez-vous pas ?



Mais même avant ! 



Personnellement, je trouve qu’il y a une réelle différence par rapport à avant…

Parce qu’elles avaient peut-être des rôles pour servir la soupe, mais si on regarde Madame Bovary, elle crève l’écran. Il y a des tonnes de films où les femmes ont un vrai tempérament et une désinvolture. Enfin, de mon point de vue.

Aviez-vous eu peur de ne pas être crédible dans la peau de Pauline ?

J’ai vécu en banlieue et je me rendais souvent dans une ferme en Bretagne avec mes parents. Je m’amusais à jouer la petite paysanne avec le bâton de berger et le chien. Au fond, je suis une terrienne et ce film faisait le lien avec la petite gamine que j’étais et cette envie de revenir à un enracinement à la terre. J’ai l’impression de le sentir profondément en moi. Je me suis sentie rapidement crédible dans le rôle. Mon grand-père a toujours eu un potager, je l’ai toujours aidé à cultiver et ça résonne très fort chez moi.

Au fond, je suis une terrienne

Pouvons-nous dire qu’il y avait un lien avec la réalisation de votre premier court-métrage que vous avez présenté à Cannes ? (ndlr : Afikoman)



Alors mon court-métrage est un peu foiré pour le coup. Le lien est très simple : quand j’étais petite j’avais un veau. Et ce veau est parti à l’abattoir. C’est difficile à comprendre quand on est un enfant qui vient de la ville. Parce que celui qui a vécu à la campagne, il le comprend plus facilement, c’est dans l’ordre des choses pour lui. Alors moi, je faisais partie des enfants de la ville, ceux qui étaient inconsolables. De cette histoire est née mon court-métrage, où j’ai adapté la nouvelle de mon mari (ndlr : le chanteur et écrivain Raphael) tout en y insérant quelque chose de très personnel et qui m’appartient.

Et qu’est-ce qui en ressort de cette expérience derrière la caméra ?

De belles sensations, de très bon souvenirs, mais je suis assez mécontente du résultat final.

Vous préférez donc rester devant la caméra ?

Disons que j’ai plus d’aisance devant que derrière. À la fois que j’ai plus d’expérience en tant qu’actrice que réalisatrice.