J’accuse : Roman Polanski retrouve de son mordant

L’affaire Dreyfus a déchiré la France à la fin du siècle XIXème siècle. Roman Polanski s’en empare en la contant du point de vue du Colonel Picquart, pièce importantissime dans ce scandale en forme de séisme politique. 

Colonel Picquart (Jean Dujardin) assiste à la sentence sans esquisser le moindre mouvement, le moindre rictus. Un acrostiche que cette première scène, pour enfin former le mot honte en lettres presque raturées et honteuses. L’affaire Alfred Dreyfus (Louis Garrel) est un condensé d’erreurs judiciaires, de déni et d’antisémitisme. Les hommes ont envoyé l’un des leurs sur l’île du Diable, sans raison, par pure fainéantise, par pur antisémitisme. Pour le raconter, Roman Polanski utilise Picquart pour s’emparer du sujet et plonger de manière radicale dans un dossier brûlant, faisant indéniablement écho au sien et ses déboires avec la justice américaine. 

Mais place au film, place à l’art avant de sombrer dans le conflit politico-judiciaire. J’accuse est ce morceau de réalisme, d’une précision à couper le souffle, à l’écriture chirurgicale, s’innervant autour d’une solidité que l’auteur de Chinatown n’avait plus approcher depuis des lustres. Loin de la mélasse adaptée du livre de Delphine de Vigan – D’après une histoire vraie -, J’accuse est mordant dans ses dialogues, fascinant quand il s’élève au milieu des non-dits, dans les coulisses mensongers du pouvoir, le récit pleure et s’insurge face à l’injustice du système. Un homme, Picquart, face aux hautes instances pour faire entendre la vérité. En ça, les plumes de Robert Harris et Roman Polanski déboulonnent les différentes facettes d’une société corrompue jusqu’à la moelle. 

Dujardin brille de mille feux

Les contours de J’accuse grossissent plus l’étau se resserre sur Picquart, sous les traits d’un Jean Dujardin brillant. Sûr de son pouvoir pour faire avancer les choses, il se retrouve rapidement face à une administration craintive et cherchant à protéger sa réputation, se débattant pour tout étouffer et éviter le dérapage politique. Tout est passé au crible, comme la vie du Colonel Picquart, qu’on tente de faire tomber à travers sa relation intime avec l’épouse (Emmanuelle Seigner) d’un haut fonctionnaire de l’État. Tout est habilement ficelé dans une structure narrative classique, dans des décors savamment reconstitués et une photographie froide. 

En grand cinéaste qu’il est, Polanski mène la danse, assure une vraie immersion dans une cour chauffée à blanc et des réunions secrètes au milieu d’intellectuels tels que Zola. Tout s’imbrique solidement et sans bavure. Le moindre acte, aussi anodin qu’il soit, peut se retourner contre Picquart, lui, seul contre tous. L’importance de la vérité n’a pas lieu d’être quand il en va de l’État français, surtout quand le mensonge est aussi visible que le nez au milieu de du visage. 

Casting: Jean Dujardin, Louis Garrel, Emmanuelle Seigner, Mathieu Amalric, Damien Bonnard, Melvil Poupaud, Denis Podalydès, Vincent Grass, Vincent Perez

Fiche technique: Réalisé par: Roman Polanski / Date de sortie : 13 novembre 2019 / Durée : /Scénario : Robert Harris et Roman Polanski / Photographie : Pawel Edelman / Musique : Alexandre Desplat / Distributeur suisse : Frenetic