Invisible Man revisité, modernisé grâce à Leigh Whannell, le réalisateur du très bon Upgrade. Après le film de James Whale sorti en 1933, la refonte proposée par les studios Blumhouse et Whannell ne suit pas vraiment le roman de H. G. Wells, proposant avant tout un nouveau rôle de qualité à une Elisabeth Moss survoltée.
Le silence d’une nuit paisible, les vagues s’écrasant sur les rochers d’une plage californienne. La caméra s’arrête sur l’horloge : 3h41, une boîte de Diazépam, une maison aux couloirs et aux pièces infinis. Cecilia (Elisabeth Moss) se prépare aussi silencieusement que possible, orchestrant méticuleusement sa fuite, alors que son mari Adrian (Oliver Jackson-Cohen) dort à poings fermés. Mais pourquoi ce départ précipité ? S’engage une folle course. Filer à l’anglaise était la dernière alternative pour Cecilia, maltraitée par son homme, écrasée par son obsession du contrôle. Lui, le pionnier de l’optique, le numéro 1 mondial, a fait prisonnière sa pauvre compagne. Comme pris à la gorge – et nous également -, le film part tambour battant, pied au plancher pour déballer un premier quart d’heure de feu, avant d’enchaîner dans une première heure d’excellente facture. Construit avec minutie, avec une précision clinique quand la caméra balaie les pièces et tourne autour de Cecilia, tétanisée face à la puissance sournoise et invisible d’un homme : Adrian. Femme battue qui, un temps, se croyait libérée de l’emprise de son compagnon violent, en s’ôtant la vie 2 semaines après la rupture, de détresse émotionnelle. Son retour d’entre les morts est encore plus brutal qu’à son vivant.
« Ne le laisse pas t’avoir en le ressuscitant »
Cette tension discrète, ces craquements toujours plus incessants font de Invisible Man un grand saut dans l’incertitude. Comme dans cette première séquence haletante, nous goûtons à une intensité folle, silencieuse, presque perverse. Hantant son ex femme, même après sa mort, le mal invisible ramène le récit à cette perversité sous-jacente, astucieusement utilisée pour mettre en péril une jeune femme acculée. « Ne le laisse pas t’avoir en le ressuscitant » souffle Tom (Michael Dorman), le frère de Adrian.
Pas de mélodrame, pas le moindre flashback, une simple pellicule qui trace son chemin dans la brutalité invisible. Leigh Whannell ajuste la mire et se plaît à « martyriser » une Elisabeth Moss paralysée par la peur, rendue folle par son défunt mari. Ce qui semble être un complot sert l’histoire en matière de narration vicieuse. Le fantôme-génie-sociopathe qu’est Adrian, permet à Moss de briller de mille feux. Dans la peau de ces femmes se battant pour la place qu’elles méritent à l’image de Mad Men, à son courage dans The Handmaid’s Tale, l’actrice américaine continue de camper ces rôles qu’elle affectionne.
Mécanique macabre
L’affolante course contre les futurs meurtres et cette manigance funèbre réussit à redorer le blason du « Dark Universe » annoncé par les studios Universal et avorté par le four – au box-office mondial – essuyé par The Mummy. Il aura fallu l’arrivée de Blumhouse et ses films à petit budget pour donner un bon coup de fouet. Une cinématographie élégante, une mise en scène à la mécanique macabre, le tout porté par l’excellente Moss ou encore l’étrange Michael Dorman – déjà très bon dans For All Mankind -, Invisible Man est ce thriller racé, à la première heure furieuse et à la seconde légèrement en deçà. Bien qu’une petite « décompression » intervienne dans sa dernière heure, le résultat reste une surprise totale, à l’image d’un sacré jeu de dupes à la résonance (très) actuelle.
Casting : Elisabeth Moss, Harriet Dyer, Aldis Hodge, Storm Reid, Oliver Jackson-Cohen
Fiche technique : Réalisé par : Leigh Whannell / Date de sortie : 26 février 2020 / Durée : 124 min / Scénario : Leigh Whannell, H. G. Wells / Photographie : Stefan Duscio / Distributeur suisse : Universal