Alors que la première saison avait déjà fait s’étrangler de rire plus d’un en 2016, il semblait difficile de réitérer l’exploit une deuxième fois. C’était mal connaître sa créatrice, actrice et productrice exécutive, celle qui, à partir d’un de ses sketchs, a su faire naître une série tordante, déchirante, bourrée d’intelligence et de subtilités, tout en nuances et foutrement bien écrite. Un bijou télévisuel comme il en existe peu, sans aucune prétention, dénuée de tout artifice, qui ne repose que sur la seule force d’une qualité d’écriture prodigieuse et d’un casting furieux.
Et cette série, on la doit à Phoebe Waller-Bridge. Son nom ne vous dit peut-être rien mais il est pourtant sur toutes les lèvres ces dernières semaines. Créatrice de la série Killing Eve (avec Sandra Oh qui a remporté cette année le Golden Globe de la meilleure actrice dans une série dramatique), Waller-Bridge et la hype qui l’entoure désormais ont gagné du terrain, envoyant la jeune femme dans les plus hautes sphères du cinéma : l’Anglaise de 33 ans a rejoint l’équipe de scénaristes du prochain James Bond, Bond 25, qui se tourne actuellement sous les ordres de Cary Fukunaga. Bien que la Britannique ait mille et un projets sur le feu, son fait le plus marquant reste à ce jour la série qui l’aura fait connaître du plus grand nombre. Alors que l’on sait déjà qu’il n’y aura pas de 3ème saison, mais qu’une adaptation made in France, avec dans le rôle principal Camille Cottin, s’apprête à débarquer, retour sur la série évènement Fleabag et notamment sa deuxième saison placée sous le signe de la spiritualité…
2 saisons prodigieuses grâce à l’écriture de Waller-Bridge
La première saison plantait le décor : Fleabag (Phoebe Waller-Bridge) est une trentenaire célibataire, à la fois terriblement drôle, un rien maladroite et complètement charmante, naviguant dans les rues de Londres en essayant de faire de l’ordre dans sa vie familiale et sentimentale plutôt chaotiques. Après avoir perdu sa meilleure amie dans un accident, Fleabag tente de garder à flot le petit café de quartier qu’elle avait ouvert avec sa défunte amie et dans lequel le cochon d’Inde, mascotte de l’établissement, règne en maître. Sa maman décédée laisse derrière elle un père (Bill Paterson) incapable de finir ses phrases et une soeur, Claire, (Sian Clifford), aigrie et malheureuse avec un mari alcoolique et un poil pervers. Ajoutez à ça, une belle-mère (Olivia Coleman) qui, sous ses airs de bonne copine, est une femme infecte qui s’invente une vie de pseudo artiste en se donnant des orgasmes en peignant. Un joli programme non ? Fleabag, elle, enchaîne les coups d’un soir, se rabiboche avec son éternel petit ami quand elle n’a personne d’autre sous le coude mais court inconsciemment après une relation dans laquelle elle pourrait enfin se sentir vivre.

La deuxième saison, elle, donne une large place à la religion et la spiritualité. Elle démarre sur les chapeaux de roues avec un repas familial plutôt mouvementé. Assise à la table d’un restaurant pour célébrer l’annonce du mariage du père et de la belle-mère, la famille au complet tente de faire bonne figure. En effet, l’entente n’est pas au beau fixe entre tous ses membres. Fort heureusement, le prêtre (Andrew Scott), un homme d’Église peu conventionnel chargé de célébrer l’union des parents, est présent et amène un peu de légèreté à ce repas où règne une ambiance pas franchement bon enfant, voyant se succéder malaises sur quiproquos et présageant des préparatifs de mariage plutôt folkloriques.
Sur fond d’humour noir et piquant, Fleabag est un conte familial poignant et nuancé, mélangeant des thématiques aussi joyeuses que sombres. Bénéficiant d’une écriture frisant la perfection, vive, rythmée, implacable et intelligente, la série fait passer du rires aux larmes comme aucune autre. Grâce aussi à des personnages merveilleusement écrits et un casting 5 étoiles, l’histoire s’enrichit plus elle avance. Olivia Colman, oscarisée cette année pour son rôle dans The Favourite, interprète avec brio cette belle-mère condescendante et tête à claques. Mention aussi à Sian Clifford dans le rôle de Claire, la soeur frustrée qui semble avoir des muscles en moins la privant de sourire. Et évidemment, une mention toute spéciale à Phoebe Waller-Bridge qui campe Fleabag. Nonchalante et cynique, la grande brune met les pieds dans le plat à tout va en se tournant vers la caméra pour communiquer avec les téléspectateurs. Des apartés drôlissimes devenus la signature de la série.

Avec une première saison qui avait fait rires aux larmes et une seconde encore plus acerbe, toujours avec un humour pince-sans-rire typique du show, Waller-Bridge fait entrer la religion, la spiritualité et les tabous liés aux catholicisme tels que le célibat des prêtres, par la grande porte. Sujets toujours brûlants et difficiles à manier, Waller-Bridge réussit l’exploit de ne jamais les contourner mais les aborde frontalement avec une facilité et une justesse épatantes. Sans détour et sans jamais sombrer dans le mielleux ou le pathos, cette comédie dramatique traite surtout de la culpabilité d’une vie, de la solitude, du besoin de se sentir aimer et d’aimer en retour. Grâce à la plume acérée de Waller-Bridge, qui s’impose comme l’une des auteures les plus talentueuses de sa génération, et à un casting de haut vol, Fleabag est tout simplement la série la mieux fichue et la plus drôle de ces 5 dernières années. Foncez !
Casting : Phoebe Waller-Bridge, Sian Clifford, Olivia Colman, Jenny Rainsford, Bill Paterson, Brett Gelman, Andrew Scott, Hugh Skinner, Ben Aldridge
Fiche technique : Créé par : Phoebe Waller-Bridge / Écrit par : Phoebe Waller-Bridge / Réalisé par : Harry Bradbeer/ Chaînes : BBC / Amazon Prime Video / Diffusion : Saison 2: 4 mars 2019 / Format : 6 épisodes – 30 min / Pays : GB