Depuis le 28 janvier, Arte diffuse via son site une série adaptée d’un programme israélien à succès, « BeTipul ». Créée par les collaborateurs de longue date Olivier Nakache et Éric Toledano, la série explore les failles et traumas d’une poignée de personnages assis sur le canapé d’un thérapeute.
Nous sommes peu après le 13 novembre 2015, journée noire qui a secoué Paris avec les attentats du Stade de France et du Bataclan. Ils s’appellent Adel, Ariane, Léonora, Damien ou Camille, tous prennent place chaque semaine sur le canapé couleur grenat du fameux thérapeute Philippe Dayan (Frédéric Pierrot). Ils sont jeunes et moins jeunes, hommes ou femmes de tous milieux socio-culturels venus déposer leurs peurs et traumatismes, parler de leurs insomnies, de leurs peurs enfouies, ou de celles qu’ils n’imaginent même pas encore être les leurs. Face au psychanalyste, les patients sont tour à tour agressifs, en colère, pensifs, inquiets, tristes, joyeux. Ascenseur émotionnel tant pour les patients que pour le thérapeute qui, à travers ses diverses consultations, tente de retrouver du sens à ce qu’il fait et ce qu’il est. Car, face à cette patiente qui fait un transfert amoureux sur lui, ce flic d’une brigade d’intervention entré dans le Bataclan cette nuit-là, ou encore face à cette ado athlète de haut niveau paumée ou ce couple en pleine crise, le psychanalyste se retrouve confronté à ses propres démons et craintes. Rien ni personne n’est à l’abri de flancher et de perdre pied.
Vous vouliez une bonne série française ? La voilà ! Adaptation de la série israélienne à succès « BeTipul », créée par Hagai Levi, Nir Bergman et Ori Sivan, et déjà adaptée à la sauce américaine par Rodrigo Garcia pour le compte de HBO sous le nom de « In Treatment », « En thérapie » est la mouture française imaginée par le duo Nakache-Toledano, complices de longue date ayant réalisé plusieurs films côte à côte, dont « Intouchables » et « Hors normes ». Ils reviennent sur le devant de la scène avec un projet sériel cette fois. Épure télévisuelle, « En thérapie » concentre ses forces entre les quatre murs du bureau de Philippe Dayan, psychanalyste chevronné.

C’était plutôt sur les pattes arrières que nous avons attaqué les premiers épisodes de « En thérapie ». Car adapter une série est toujours un exercice ardu. On se souvient encore de l’adaptation ratée de l’excellentissime série britannique « Fleabag ». La version française voyait Camille Cottin reprendre le rôle de Phoebe Waller-Bridge, se démenant dans une bien pâle copie de l’original, un échec. Vous comprenez mieux pourquoi nous étions sceptiques. Mais dès les premières minutes, les craintes se sont évanouies.
Dans ce huis clos, les patients se succèdent sur le divan. Les champs- contrechamps s’enchaînent et pourtant, rien n’est lassant dans cette mise en scène dépouillée. Qu’ils sachent ou non ce qu’ils font là, les patients reviennent inlassablement se confier. Ils cherchent une réponse précise à leurs questions. Mais la thérapie est-elle vraiment celle qui doit apporter des réponses ou sert-elle seulement de guide vers les réponses que nous-mêmes pouvons apporter à nos maux ? Car la série peut tenir en une phrase, ces mêmes mots prononcés par Esther, amie de Dayan et thérapeute également : « Quand on vient consulter c’est qu’on a quelque chose à dire et quelque chose qu’on ne veut pas dire ».
Avant d’être cette figure bienveillante et invulnérable, ce guide à qui l’on se raccroche, le thérapeute est le voisin, l’ami, le père, le mari, l’amant, l’homme imparfait tout simplement et c’est tant mieux.
Face à eux, le thérapeute, figure réconfortante et symbole de stabilité. Mais si les patients sont fragiles, le psychanalyste l’est tout autant. Les 35 épisodes de 25 minutes tordent le cou au stéréotype du psychiatre invincible qui a réponse à tout. Philippe Dayan, interprété remarquablement par Frédéric Pierrot, médecin taciturne, est un homme comme les autres, bourré de doutes et figé dans un quotidien qu’il n’arrive plus à comprendre. Et tout d’un coup, tout devient plus humain, tout devient très juste et authentique parce qu’avant d’être cette figure bienveillante et invulnérable en apparence, ce guide à qui l’on se raccroche, il est le voisin, l’ami, le père, le mari, l’amant, l’homme imparfait tout simplement et c’est tant mieux.
Parce que l’émotion n’est jamais aussi bien traitée que dans la pudeur, « En thérapie » est une jolie réussite à la française.
Dans « En thérapie », c’est tout un pays qui est passé à la loupe. Photographie d’une société française troublée, la série enracine son récit dans le contexte post-attentats de 2015, permettant de mettre habilement en exergue les tensions et traumas de cette population. Grâce à un casting 5 étoiles, composé notamment de Frédéric Pierrot, Mélanie Thierry, Carole Bouquet, Reda Kateb, Clémence Poésy et le jeune Céleste Brunnquell, la série plonge pudiquement dans l’intimité de quelques personnages. Sans sur-jeu ni étalage de sentiments, les 35 épisodes traversent autant de thématiques que d’émotions que l’on se plaît à cacher aux autres et surtout à soi-même. Parce que les diverses histoires racontées et leur dimension universelle feront de toute façon écho au vécu d’une large audience et parce que l’émotion n’est jamais aussi bien traitée que dans la pudeur, « En thérapie » est une jolie réussite à la française.
Les 35 épisodes de 25 minutes sont à voir sur Arte tv depuis le 28 janvier ou sur Arte tous les jeudis soirs.
Casting : Frédéric Pierrot, Mélanie Thierry, Reda Kateb, Carole Bouquet, Pio Marmai, Clémence Poésy, Céleste Brunnquell, Elsa Lepoivre.
Fiche Technique : Adaptée de « BeTipul », créée par Hagai Levi, Nir Bergman et Ori Sivan / Créée par : Olivier Nakache et Éric Toledano / Écrite par : David Elkaïm et Vincent Poymiro, avec Pauline Guéna, Alexandre Manneville, Nacim Mehtar, Eric Toledano, Olivier Nakache / Réalisée par: Olivier Nakache, Eric Toledano, Pierre Salvadori, Nicolas Pariser, Mathieu Vadepied / Musique originale : Yuksek / Format : 35 épisodes – 25 minutes / Pays : France / Chaîne : Arte