Cette nouvelle adaptation du roman de Frank Herbert, paru en 1965, avec Denis Villeneuve aux commandes et un casting monstrueux, que vaut-elle ? Loin du projet ambitieux mais très expérimental de David Lynch, ce « Dune » possède de jolis atouts dans son jeu.
Un casting monstrueux pour se disputer Arrakis, la planète la plus importante de l’univers. Également nommée « Dune », ce lopin de terre est synonyme de guerre interstellaire, d’une lutte qui regroupe une multitude de peuples. En ouvrant la récente Mostra de Venise, cette nouvelle version « Dune » de Denis Villeneuve offre une autre vision du roman, traînant derrière lui cette malédiction d’être inadaptable. Le cinéaste canadien, après David Lynch en 1984, décide de s’emparer de la saga SF pour en démouler un film poreux, à la plastique ahurissante, au sanctuaire des sens et des émotions figées. Un bel objet où les personnages s’en retrouvent aspirés dans la grandeur des paysages. Le talent pictural de Villeneuve et de son directeur de la photographie Greg Fraser, propulse l’histoire dans une prouesse visuelle. Faut-il le dire : parfois, « Dune » fonctionne tel un récit hypnotique qui tisse les fondements émotionnels de la race humaine.
Un rôle messianique
Lent dans son évolution, « Dune » n’est pas ce simple remplissage – comme beaucoup le pensent – mais bien une révélation des enjeux et de l’impitoyable danger qui guette – des vers des sables géants se faufilant comme le font les requins, la bouche aux multiples rangées de dents. Au milieu de la dangerosité stagnante, il y a l’avancée de Paul (Timothée Chalamet), héritier du duché des Atreides. Il est épaulé par sa mère (Rebecca Ferguson). Le héros juvénile appelé à grandir vite, très vite, pour remplir le rôle qui lui est destiné : une place quasi messianique. Villeneuve cadre rapidement cette relation mère-fils, confinant le père Duke Léo, incarné par un Oscar Isaac excellent, à un rôle de spectateur.
Une bataille intergalactique sur fond d’héritage familial enraciné dans la tradition et la royauté. Villeneuve fait planer l’ombre de la sagesse, utilisant comme porte-étendard la jeunesse de Paul. La grandeur du désert, les guerres, la densité des différents univers s’entrechoquant, « Dune » opère comme une expérience sensorielle, délivrant avec grâce un univers qui fait écho à la spiritualité des écrits, et du personnage central qui incarne et étouffe cette force prête à bondir. Il y réside une forme de faiblesse de l’inconscient, fonctionnant comme une langue qui se doit d’être dégoisée à la bonne tonalité. La mutation de Paul est surtout intérieure, ce que semble choisir, tout en gardant une veine épique, Denis Villeneuve avec sa mise en scène froide et précise. Un bloc d’intimité fondu dans un Blockbuster aux sables mouvants de… l’humanité. Un spectacle visuel pour un propos qui convoque les tourments de la race humaine, avec pour spectre une guerre sainte dévastatrice. Alors oui, nous pouvons reprocher maints détails au scénario plutôt ronflant – décrit même comme une coquille vide -, mais « Dune » est peut-être un reflet de notre époque, placide et figée dans le non-dit. Les bouquins étaient taxés de « chef d’oeuvre d’univers », le film s’en rapproche.
Casting : Timothée Chalamet, Rebeca Fergusson, Oscar Isaac, Josh Brolin, Stellan Skarsgard, Dave Bautista, Zendaya, Javier Bardem, Jason Momoa, Chang Chen, Charlotte Rampling
Fiche technique : Réalisé par : Denis Villeneuve / Scénario : Eric Roth, Denis Villeneuve, Jon Spaihts / Date de sortie : 15 septembre 2021 / Durée : 154 min / Distributeur suisse : Warner Bros