Chronique | À l’instinct : vous oubliez le meilleur de Michael Fassbender

Michael Fassbender a le jeu dans le sang. Un sacré comédien, impossible d’ignorer sa verve, son intensité. C’est Steve McQueen, même si François Ozon l’avait déjà casté pour Angel, qui l’a arraché de l’anonymat. Un coup de maître. Aperçu dans Hunger, c’est surtout dans Shame que l’acteur germano-irlandais crève l’écran. Son rôle référence est désormais acté. Quoi, une référence ? Oui, car peu d’acteurs sont de sa trempe. Osons les mots : depuis Hunger (2008), Fassbender a aligné les perf’. Point !

Toujours est-il qu’il reste un acteur peut-être un poil sous-estimé. Avis purement personnel. Et comme je ne peux rester silencieux, je l’ai évoqué une paire de fois durant bon nombre de conversations animées, presque tendues : le bougre est reconnu, mais pas assez. Ce sont surtout plusieurs de ses performances qui sont passées sous silence. Facile de citer Shame ou encore Twelve Years A Slave, la majorité du peuple oublie 2 rôles qui font date dans sa carrière.

L’absurde Frank !

Fuyez, ceux qui ont l’intention de citer son rôle dans X-Men. Je jure que je crie au scandale. Vous pensez de suite à Steve Jobs ? Bonne pioche, mais disons que sa nomination aux Oscars confirme l’impact médiatique d’une pellicule signée Danny Boyle. Non, je vous parle de ces partitions furieuses qui ont confirmé que Fassbender est un acteur d’exception, un vrai.

La première qui saute aux yeux, oubliée par le grand public et (parfois) même des spécialistes : Frank. Film étrange sorti en 2014, poignant, slalomant entre rires et larmes. Fassbender et sa tête de papier mâché y délivrent une sacrée partition. Hommage à Frank Sidebottom dans un univers alternatif, Frank est une bizarrerie qui révèle l’ampleur comique de Fassbender. Lenny Abrahamson, autre cinéaste sous-estimé et diablement talentueux, réussit à transposer le jeu du comédien en « l’effaçant » derrière ce grand masque. De l’absurdité pour extraire la complexité d’un personnage sans expression, Fassbender campe cette rockstar étrange avec brio.

Fassbender hanté sous la coupe shakespearienne

De l’humour absurde à la dramaturgie shakespearienne, le grand écart de Fassbender a de quoi nous écarquiller les yeux. Dans la peau de Macbeth et sous les ordres de Justin Kurzel – qu’il retrouvera en 2016 avec Assassin’s Creed -, c’est une autre paire de manches, une autre approche : le champ de bataille et le sang séché. Le regard hanté par la haine et le pouvoir, c’est dans un décor rouge sang, des images ahurissantes, qu’il époustoufle, incarnant à lui seul les thèmes chéris de Shakespeare : la trahison, l’usurpation, la vengeance et la folie. Furieux Fassbender, noirci par la vilenie, embourbé dans les marécages du mal, emporté par l’animalité de l’Homme. On ne se lasse pas de le voir dans ce costume.

2 rôles si différents sur le papier. C’est en faisant ce grand écart qu’il réussit à prouver sa valeur. Macbeth et Frank comme pierres angulaires. Alors, avant de toujours ramener les mêmes performances sur la table, pensez à ce qui précède…