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Cannes 2018 | The House That Jack Built : l’architecte de la frénésie meurtrière
Viré tel un malpropre de la Croisette après des propos déplacés, Lars Von Trier est à nouveau accepté en 2018. En présentant hors compétition The House That Jack Built, le cinéaste danois rappelle qu’il est toujours un artiste d’exception à l’esprit dérangé. Après nous avoir emmené dans les méandres de la sexualité avec Nymphomaniac, Von Trier s’intéresse à la face la plus sombre d’un être humain. Plus particulièrementJack (Matt Dillon), un être névrosé, obsédé par le nettoyage. Le cinéaste danoiss’amuse à autopsier son sujet en 5 incidents étalés sur 12 années.
Dans la tête d’un psychopathe
Une rencontre fortuite avec une femme (Uma Thurman) en proie à des problèmes mécaniques sur sa carlingue. En proie avant de devenir la proie. Cette même femme s’amuse à bousculer Jack lui prétextant qu’il a une allure de… tueur en série. Chose évoquée, chose appliquée. Une violence inouïe qui s’étendra sur 155 min, à suivre les péripéties d’un architecte à la frénésie meurtrière irrépressible. Sa folie, comparable à la folie d’un meurtrier comme aperçu dans Maniac avec Elijah Wood, ne cesse d’évoluer plus il ôte la vie. Jack avoue même, dans une longue et belle métaphore à l’aide d’ombres et de réverbères, que la douleur prend le pas sur le plaisir.
Comme sait si bien le faire Lars Von Trier, les nombreuses métaphores, le symbolisme artistique prend une place prépondérante dans le développement du récit. Du négatif d’une photographie à la valeur iconique, Jack est présenté comme un homme à l’intellect à part, où la culture de l’icône retire plus d’intérêt, négatif ou positif, qu’un être dit plus banal. La sève de THTJB relève de cette part noire, très noire que nous avons tous en nous. Une sorte d’orchestration horrifique, où les femmes sont choisies pour leur « malléabilité », comme le cite Jack. Mais les hommes aussi sont pris pour cible. Jack n’a pas de limite, insensible à la douleur. Le silence assourdissant qui règne amplifie encore un peu plus le malaise.
Projection personnelle de Lars Von Trier ?
Les crimes s’enchaînent, les entrailles sont de plus en plus visibles. Pourquoi le négatif est-il le plus intéressant dans une photo ? Parce qu’on y voit une lumière sombre. Celle de Von Trier ? Fascinant dans la majeure partie, malsain, pervers parfois, The House That Jack Built ne peut se faire sans avoir une petite pensée à sa manière dont l’univers s’amorce. Les clins d’oeil et le besoin maladif de mettre en avant les dictateurs de l’humanité sont des indices pour comprendre (dans un sens) la projection personnelle de l’auteur dans son métrage. Un pied de nez à ses détracteurs ? Peut-être. Lars Von Trier, ce prédateur catapulté dans un poulailler, sous les traits de Matt Dillon, guidé par une conscience – jouée par Bruno Ganz et sa voix d’outre-tombe – qui se rapproche de plus en plus de l’enfer. Le tableau est assez proche.
Photo copyright : Concorde Filmverleih GmbH / Zentropa
Cette même conscience qui répond au nom de Verge, s’amuse à le rappeler à l’ordre, tente de lui rappeler ses véritables failles et son manquement à son but premier : construire sa maison. La mesquinerie poussée à son paroxysme. Le démon Jack, parfaitement campé par un Matt Dillon qui fait froid dans le dos, se mue en tacticien macabre, en architecte de l’horreur. Toujours accompagné de sa camionnette rouge sang, Mr. Sophistication procède au grand nettoyage le plus dérangeant vu ces dernières années au cinéma.
Lars Von Trier joue une partition toujours plus sombre, étrange comme celle de Glenn Gould, pianiste virtuose, auquel il fait allusion pour sa posture et sa santé mentale déviante. « Il représente l’art » dit Jack. Ce film représente l’art de la provocation, celui d’un cerveau profondément dérangé mais génial quand il s’agit de l’appliquer. Excepté cette fin à rallonge et prévisible, The House That Jack Built s’inscrit dans la filmographie d’un cinéaste qui continuera à partager les avis, mais restant indéniablement une patte hors pair dans le milieu du septième art.
Casting : Matt Dillon, Bruno Ganz, Uma Thurman, Riley Keough, Siobhan Fallon, Sofie Grabol
Fiche technique : Réalisé par : Lars Von Trier / Date de sortie : – / Durée : 155 min / Scénario : Lars Von Trier / Photographie : Manuel Alberto Claro / Distributeur suisse : –