Cannes 2018 | Petra : engrenage familial tragique et… humoristique

Détour à la Quinzaine des Réalisateurs. Petra de Jaime Rosales conte l’histoire de… Petra, artiste peintre à la recherche de son père biologique. Ses recherches vont l’amener jusqu’à Jaume (Joan Botey), artiste célèbre, qui la prend comme « stagiaire » dans sa résidence de Gérone. L’homme est méprisable, mais Petra décide d’aller jusqu’au bout de son enquête. Décortiquée en 7 chapitres, l’histoire débute par le deuxième et s’enchaîne avec le troisième avant de revenir au premier. Les détails sont distillés de manière à vous perdre et vous situer après les événements vécus. Un chemin de croix pour nous comme pour les protagonistes. Jaume vampirise sa famille à lui tout seul… et les autres. Un homme aux nombreuses conquêtes, au caractères détestable et narcissique. Le tableau fait peine à voir, un vrai monstre pensé par Rosales.

De lourds secrets baignés dans une comédie grinçante

Présenté comme un drame, Petra tend plus vers la comédie dramatique que le drame pur et dur. Les paroles assassines de Jaume font rire (jaune). Lucas (Alex Brendemühl) tente de draguer de manière un peu étrange Petra (Barbara Lennie), mais l’entreprise ne marche pas. Voyez le début comme une mise en bouche plutôt comique avant une montée en puissance dans une trame dramatique. La dimension tragique, tragi-comique plutôt, ne fonctionne pas tout de suite et met un temps avant de prendre. Jaime Rosales s’amuse à basculer dans les deux genres, à martyriser ses personnages en usant de nombreux retournements de situation. Le rocambolesque, le cinéaste espagnol n’en a pas peur et nous prend de court grâce à une accumulation de secrets familiaux. Un circuit cauchemardesque qui provoquera un séisme familial et même hors  de la famille.
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La caméra de Rosales se joue des situations, fixe son sujet avant de le laisser hors champ pour nous laisser nous-même en quelque sorte dans le secret. Une petite prouesse que ces mouvements de caméra. À l’image d’un Pedro Almodovar qui balaie les pièces à l’affût du moindre détail, Rosales s’amuse lui aussi à faire glisser sa machine légèrement, à balayer silencieusement les moindres détails du faciès de son sujet principal. Hors cadre, c’est à notre imagination de faire le travail. Un humour qui grince, qui évolue au fil des chapitres, des frasques de Jaume. Petra tient sur plusieurs mensonges qui entraîneront d’autres mensonges. La mise en scène froide et ses acteurs, tous excellents, sont des atouts qui gomment les errances d’une première partie mollassonne. Les 30 dernières minutes sont imprévisibles. Au final, Petra ne tient qu’à un fil, mais ce fil tient parfois du génie. Une oeuvre qui passe de l’ennui à la jubilation et aux éclats de rire. Les dialogues percutants et l’humour noir font bon ménage. Casting : Barbara Lennie, Alex Brendemühl, Marisa Paredes, Oriol Pla, Joan Botey, Petra Martinez Fiche technique : Réalisé par : Jaime Rosales / Date de sortie : – / Durée : 107 min / Scénario : Jaime Rosales, Clara Roquet, Michel Gaztambide / Photographie : Hélène Louvart / Musique : Kristian Eidness Andersen / Distributeur suisse : –