Le premier film d’Etienne Kallos présenté dans Un Certain Regard nous évoque la vie d’une famille à Free State, en Afrique du Sud. Une famille de fermiers qui évolue dans un coin reculé du pays, une communauté blanche très religieuse nommée les Afrikaners.
La virilité et les valeurs chrétiennes sont des pièces maîtresses de Free State. Janno (Brent Vermeulen) est un garçon dévoué à son activité de fermier, très assidu à la tâche. Son rôle va prendre une autre tournure quand Pieter (Alex Van Dyk), un orphelin, débarque au domicile familial. Un choix délibéré d’une famille croyante, surtout d’une mère, prête à ouvrir la porte de la ferme familiale.
« Garde un oeil sur ton frère »
C’est toujours dans la même bonté que Janno s’occupe de Pieter. Une relation un temps compliquée, qui va devenir de plus en plus forte. Lui qui écoute les ordres religieusement, il garde un oeil sur son nouveau petit frère, tente de contrôler ses errances, ses coups de sang. En clair, Pieter n’est pas un cadeau du ciel. L’un respecte les règles établies et l’autre les transgresse.
Les magnifiques paysages, les champs à perte de vue forment un décor majestueux. La lumière du soleil, village presque isolé de la civilisation, à l’écart du brouhaha. Mais la beauté naturelle n’est de loin pas de mise chez Janno. Fatigué du caractère difficile de Pieter, de ce besoin irrémédiable de fréquenter des endroits lugubres et même vendre son corps pour un peu d’argent. Janno a fort à faire, le bon petit soldat qui suit les règles à la lettre. Mais derrière ce besoin de respecter les ordres, la peur de décevoir, il se prend d’affection pour Pieter. Il lui veut du bien à son frangin, malgré ses actes qui vont à l’encontre de son idéologie religieuse. Pourtant, les parents fatigués des frasques de Pieter vont décider de l’envoyer en maison de correction. « C’est pour les cas désespérés », lui assène Janno. Un air déconfit conjugué d’une grande colère qui ne cesse de monter. Dans un air revanchard, on sent un pseudo scout fulminer, se laisser submerger par une violence sadique.
La moisson de la discorde
Pieter, comme transfiguré, apparaît sous un autre jour au plus grand dam de Janno. La rivalité se construit doucement, elle devient troublante à son firmament. Deux ados, une violence sous-jacente toujours plus visible. Etienne Kallos, pour son premier film à 45 ans, capte avec précision cette colère naissante ainsi que la perte de contrôle. Janno verra ses démons remontés à la surface, le hanter et parfois sombrer dans la mesquinerie. Sa peur maladive de perdre sa place dans la famille le pousse à se renfermer. La relation va bien au-delà d’une querelle entre frères, elle démarque un héritage familial. Dans un cinéma un peu poseur, Kallos réalise une histoire plus complexe qu’elle n’y paraît, solidement exécutée. Les Moissonneurs est un chuchotement, un jet de venin qui se dissipe. Le cinéaste sud-africain joue avec ses deux talentueux acteurs sur le plan psychique et même sexuel. Deux gamins qui brûlent de désirs différents avant de les confronter d’une manière virile.
Casting : Brent Vermeulen, Alex Van Dyk, Julian Venter, Morne Visser
Fiche technique : Réalisé par : Etienne Kallos / Date de sortie : 13 février 2019 (FR) / Durée : 104 min / Scénario : Etienne Kallos / Musique : Evgueni Galperine, Sacha Galperine / Photographie : Michael Englert / Distributeur suisse : –