Cannes 2018 | Joueurs : adrénaline contre amour sincère

Les bas-fonds de Paris, les salles de jeux clandestines et les mauvaises fréquentations. Ella (Stacy Martin) va découvrir l’autre face de Paris, elle qui gère la brasserie familiale. Premier long-métrage de Marie Monge, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, Joueurs nous plonge dans une course effrénée à travers la cité parisienne.

Elle court entre les rangs, enregistre les commandes et encaisse l’argent. Ella ferme boutique et descend au sous-sol quand elle tombe sur Abel (Tahar Rahim) venu postuler pour la place de serveur. Première rencontre qui va se solder par une entourloupe : Abel l’embobine en s’en allant avec la caisse. Ella le pourchasse dans le métro et le retrouve, mais il l’entraîne dans le cercle très fermé des jeux.

Les rouages de l’appât du gain

Embarquée dans cet étrange milieu, Ella se laisse capter par la mécanique du jeu. Dangereuse idée, mais le jeu en vaut la chandelle d’après son ressenti. Grand bien lui fasse, sa chance est presque insolente puisqu’elle rafle une coquette somme de plus de 9’400 euros. La chance du débutant ? Toujours est-il qu’elle y prend goût au contact d’Abel. Il lui explique les rouages, le fonctionnement mystérieux du milieu. Les recouvreurs de dette, les rabatteurs, l’envie presque maladive de dépenser son argent et de se refaire si la malchance accompagne votre soirée. Tout ça elle l’entend, le comprend, mais l’appât du gain, l’adrénaline quand vous empochez le pactole est si grisant que la raison en devient un bruit de fond. Le duo fréquente de manière récurrente cette salle de jeux clandestine et continue de vivre au rythme des gains, tout en entamant une relation passionnée. Bien sûr, la belle aventure va prendre du plomb dans l’aile après les errances d’Abel. Son addiction devient pesante. La loi du jeu prend toujours le dessus et vous crucifie en plein vol. Cette décharge électrique délicieuse quand vous gagnez se transforme en chaise électrique quotidienne. Les euros jadis empochés à la pelle sont dorénavant manquants.

L’un accro au jeu, l’autre accro à lui

Le contrôle, cette illusion. Un tour de passe-passe que Marie Monge s’amuse à exploiter. L’une est accro à une graine de voyou, l’autre et accro au jeu et n’a plus de limites. Les intérêts sont différents et les règles sont transgressées. Abel reste un solitaire, « habitué à perdre », dit-il. Il se joue d’Ella, trop naïve, trop amoureuse et lui fait miroiter monts et merveilles. Mais la réalité vous rattrape quoique vous fassiez. Abel l’apprend à ses dépens, la folle embardée ne peut durer éternellement. Marie Monge transpose les deux addictions pour viser un genre plus noir, aux allures de thriller tendu. D’un « Las Vegas 21 parisien » à une romance épineuse, Joueurs devient un thriller au rythme effréné. Et on en voit du paysage. Paris sous son jour le plus sombre et malfamé.

Misant sur une mise en scène rythmée – comme un sentiment d’urgence dans la réalisation -, Monge n’échappe pas aux nombreux raccourcis dans la première partie. Un scénario un peu facile, à l’histoire évidente. Le schéma classique – rencontre, amour rapide, passion et dégringolade – calque le film dans un format convenu. Peut-être un léger manque d’épaisseur couplé aux imperfections d’une première oeuvre. Mais le grand mérite de Marie Monge est de s’approprier parfaitement les souterrains parisiens, cette atmosphère plus qu’incertaine. Un bon Tahar Rahim et une Stacy Martin parfois hésitante, mais en général convaincante, font de Joueurs un thriller correct.

Casting : Stacy Martin, Tahar Rahim, Karim Leklou, Marie Denarnaud, Jean-Michèle Correia

Fiche technique : Réalisé par : Marie Monge / Date de sortie : 4 juillet 2018 / Durée : 105 min / Scénario : Marie Monge, Romain Compingt, Julien Guetta / Musique : Nicolas Becker / Photographie : Paul Guilhaume / Distributeur suisse : –