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Cannes 2018 | Heureux comme Lazzaro : transgression des règles temporelles dans la campagne italienne
Alice Rohrwacher avait raflé le Grand Prix à l’occasion du Festival de Cannes 2014. Retour sur la Croisette 4 ans après avec Lazzaro Felice (Heureux comme Lazzaro), la fable d’un jeune paysan à la bonté exceptionnelle dans un petit hameau nommé L’Inviolata.
Dire non, Lazzaro (Adriano Tardiolo) ne connaît pas, tout bonnement inconnu de son vocabulaire. Mais comme le dicton le justifie : trop bon, trop con. Le jeune paysan est exploité par sa famille paysanne, qui elle-même se fait exploiter par la marquise Alfonsina de Luna (Nicoletta Braschi). Mais pas rancunier pour un sou, le jeune paysan se lie d’amitié avec le fils de cette même marquise, Tancredi (Luca Chikovani) un capricieux et petit menteur par dessus le marché.
Une chute malencontreuse et un démantèlement
Le regard franc, les cheveux en bataille, Lazzaro ne rechigne jamais. Sa gentillesse contraste avec son domicile presque à l’abandon. Le garçon aime le café, se retrouver seul dans son petit coin de terre perché dans les montagnes. L’atmosphère est sèche. Il y règne également un sentiment d’époque inchangé, les années 70 que nous avons en tête. On se demande en quelle année on est avant d’apercevoir Tancredi sortir son téléphone portable. On comprend enfin que c’est bien ces 26 paysans qui se sont restés figés dans une époque révolue. Un milieu rural à l’écart de la société. Et c’est bien normal, puisque le scandale éclate : une escroquerie d’envergure se tramait à L’Inviolata. Un commerce de tabac dans lequel ces pauvres paysans étaient exploités de manière abusive. La marquise assume en prétextant que l’exploitation est humaine, une chaîne sans fin. Cette première partie situera le récit de manière intelligente, lente mais astucieuse. À flanc de coteaux, proche des ravins, comme cette entreprise criminelle, Heureux comme Lazzaro tient en équilibre sans basculer dans le précipice.
Dimension temporelle
Un hymne campagnard qui va basculer dans le ravin. Après s’être fait embobiné par Tancredi, Lazzaro se fait embrigader dans un complot avant de faire une chute et perdre connaissance. Le film bascule dans un nouveau chapitre, une seconde partie à la dimension temporelle étrange, déjouant le scénario attendu. Complètement isolé, loin des siens, le jeune homme est toujours le même, aucune blessure apparente. Tout simplement seul et livré à lui-même.
Photo copyright : Tempesta
Pour éviter de trop en dévoiler, les cartes sont redistribuées. Un passage surréaliste d’un loup, genre d’intervention divine, ramène Lazzaro. Figure principale du récit pendant la première moitié, son impact passe à l’état secondaire dans la seconde moitié, avant de réapparaître d’une manière plus mystérieuse.
Il est difficile de véritablement suivre Alice Rohrwacher dans son cheminement. Presque « ovniesque », Heureux comme Lazzaro vogue dans une autre dimension temporelle, dans un genre de cinéma parfois opaque, flouté par l’audace de son auteur. L’instant est subtil, complexe, ennuyeux à mourir parfois. Un long voyage intemporel ponctué de phases sublimes et d’errances excentriques. La performance solaire d’Adriano Tardiolo magnifie l’histoire. On reste indécis, partagé par la marchandise présentée. La frustration pointe le bout de son nez.
Casting : Adriano Tardiolo, Tommaso Ragno, Nicoletta Braschi, Alba Rohrwacher, Sergi Lopez
Fiche technique : Réalisé par : Alice Rohrwacher / Date de sortie : – / Durée : 130 min / Scénario : Alice Rohrwacher / Photographie : Hélène Louvart / Distributeur suisse : Filmcoopi