Cannes 2018 | Donbass : l’uppercut glacial et déshumanisé de Sergei Loznitsa

Donbass est partagé entre l’Ukraine et la Russie. Un territoire entouré par la mer d’Azov et le fleuve Don, dont la ville de Donetsk, connue pour son club de foot, est reconnue comme la capitale du Donbass. Voici le décor du nouveau film de Sergei Loznitsa, de retour après Une Femme Douce présenté en compétition l’année dernière à Cannes. Cinéaste engagé, l’Ukrainien continue dans sa critique sociétale très franche, très acerbe. Donbass ouvre la catégorie Un Certain Regard avec cette hargne qui caractérise son auteur qui, à 53 ans, continue d’explorer la violence humaine.

Docu-fiction virtuose par moments

L’entrée en matière a de quoi décontenancer. On ne sait pas vraiment où l’on en est, si c’est un tournage ou la vie réelle. Un début étrange, où à première vue des comédiens se font maquiller et se font interrompre par la responsable de plateau. Les acteurs sortent l’un après l’autre et sont stressés par la même femme. « Courez le plus vite possible ! », crie-t-elle. Une mise en garde, un message symbolisant le film à lui tout seul. Car Donbass est découpé en plusieurs scènes distinctes durant lesquelles nous découvrons un conflit armé, mêlé aux violences perpétrées par des gangs. « Le nouveau pouvoir » comme on l’entend à plusieurs reprises. Les cartes sont redistribuées, les lois sont bafouées, le mot fasciste revient près d’une quinzaine de fois. Donbass est un docu-fiction hybride, inclassable, presque irréel mais profondément réel dans l’angle choisi par Sergei Loznitsa. De ce postulat en découle un vrai propos, un uppercut. Le cinéaste déclare son désamour pour sa patrie, la politique actuelle, s’offusque derrière sa caméra. Impossible de passer à côté du discours politisé et négatif de Loznitsa. Les travers de la race humaine dans toute sa splendeur, une spirale profondément négative et abyssale. Sorte de docu-fiction très lourd, au plus proche de la cruauté humaine, au coeur des âmes noircies par les terreurs de la guerre. Tout ne tient qu’à un seul fil dans le Donbass de Loznitsa, tout comme son scénario difficilement déchiffrable. Un cri alarmiste, une oeuvre expérimentale qui reste parfois complexe, difficile à visionner, mais diablement captivante la majeure partie du temps. Casting : Boris Kamorzin, Valeriu Andriuta, Tamara Yatsenko, Liudmila Smorodina Fiche technique : Réalisé par : Sergei Loznitsa / Date de sortie : 5 septembre 2018 / Durée : 121 min / Scénario : Sergei Loznitsa / Photographie : Jesse Mazuch / Distributeur suisse : –