Baromètre sériel #5 : 3 séries Netflix à voir ou à éviter

Il est désormais devenu habituel, notre cher tour de table des séries Netflix. Des petites indiscrétions de coaches, de la bière qui se mélange au sang et une fashionista qui surfe sur les clichés parisiens, le menu est copieux, comme toujours à Los Gatos.

Secrets de Coach

Remarqués et remarquables, 5 coaches évoquent leurs petits secrets. Doc Rivers (Basket), Jill Ellis (football), José Mourinho (football), Dawn Stanley (basket) et Patrick Mouratoglou (tennis) sont les heureux élus d’une série produite par la star des Los Angeles Lakers, LeBron James. Et comment ne pas s’arrêter sur le « Special One », l’entraîneur le plus clivant du football actuel : José Mourinho. Rien que l’entame laisse présager un épisode d’anthologie : « Les yeux fermés, quels sont vos premiers souvenirs d’enfance ? ». Réponse du « Mou » : « Pas envie d’en parler. » Fidèle à sa nature, sans fard, la parole brève et acérée, l’homme nous explique la valeur cardinale de son job, son amour du ballon rond se reflétant sur son langage face aux médias. L’homme est charismatique. Même son de cloche pour Doc Rivers. L’entraîneur qui a amené les Boston Celtics au firmament de la NBA mise sur une discipline de fer et sur le privilège d’être sous pression. Ou encore Patrick Mouratoglou, le coach de Serena Williams ou Marcos Baghdatis, ancien finaliste surprise de l’Open d’Australie.

Jill Ellis et Dawn Staley, en tant que femmes entraîneurs apportent une autre appréciation du poste. Si nous pouvions recouper une seule et unique chose, c’est indéniablement cette idée de quitter sa zone de confort pour mieux grandir. Derrière ces 5 épisodes solidement torchés, la position de coach nous montre qu’elle n’est pas anodine : psychologue et stratège, le cerveau d’une équipe ou d’un athlète réside sur un banc de touche ou sur les bords d’un court.

L’Empire Oktoberfest

Que le fluide coule à flot et les carcasses imbibées jonchent le sol déjà collant et recouvert de régurgitations. Charmant, hein? Je ne pouvais m’empêcher de lancer les hostilités avec un brin d’élégance. Et le plus cocasse, c’est qu’à présent l’Oktoberfest est une institution, un moment légendaire pour les amoureux de la bière. Une beuverie où la picole est reine, où on fête et on vomit. C’est la tradition, impossible d’y échapper si vous avez mis les pieds dans ce sanctuaire de la bringue.

Mais derrière le désormais immense aspirateur à fric qu’il est – sauf en 2020, vilain virus -, le temple de la bière est passé par des remaniements et des turbulences que le show nous explicite. Les fondations de cette foire d’alcooliques – euh pardon… d’amoureux de bonnes pressions – ont été bien tortueuses pour arriver là où elle en est, se forgeant dans l’obscurité de la bourgeoise munichoise. « Beer & Blood », de son slogan, la série « Empire Oktoberfest » est un mélange d’hémoglobine et de réussite, aussi éclatante que grinçante, dans une veine semblable à « Peaky Blinders », ou encore la majestueuse « Babylon Berlin ». Des relents de prohibition, de corruption et de meurtre comme on apprécie immodérément. La beuverie passe d’abord par la boucherie. Pardi, ça claque sévère.

Dans le Munich de 1900 crasseux à souhait, Curt Prank (incarné par l’excellent Matik Maticevic), brasseur prospère venu tout droit de Nüremberg, montre les dents. Pas le temps de tortiller de l’arrière-train, place au rouleau compresseur Prank. Pas de round d’observation. Alors quand l’homme d’affaires décide de tout bousculer, les airs du poème symphonique de « La Moldau » s’enclenchent pour harmoniser ses obsessions de démesure. La symbolique est belle, la course à l’évolution peut commencer et les chevaux sont désormais lâchés. Bâtisseur d’un nouveau genre, ses envies de changements vont inévitablement entraîner des conflits. Le sang va devoir couler et les guerres d’égos démarrent : le combat de coqs opposant Prank et Hoflinger (le massif Klaus Steinbacher) émerge comme le catalyseur des rivalités.

Le travail abattu par le duo Christian Limmer/Ronny Schalk porte ses fruits, sans le moindre pourri dans la récolte. Une production germanique pétillante encapsulant cette mousse qui ne fait que déborder de dramaturgie et perfidie.

Emily In Paris

Allez, une bonne mélasse signée Darren Star. Mais quel est ce patronyme voué à briller ? Petit coup d’oeil dans le rétro : Star est le créateur de Sex And The City ou encore Beverly Hills. Pas de besoin de vous faire un dessin, vous avez saisi le genre d’Emily In Paris ? Le monde du luxe et les clichés parisiens ne font que se succéder dans une véritable abomination du genre romantico-dramatico-comique. Oh, indigestion à l’horizon!

Suivre la jeune cadre ambitieuse, interprétée par Lily Collins, débarquée de Chicago et mutée à Paris dans une grande agence de marketing – grouillant d’hommes prétentieux sexistes et de femmes aigries -, c’est comme s’amuser avec une poêle en retournant sa crêpe : un coup ça passe de justesse, la seconde fois elle s’éclate par terre. En clair, c’est passable les premières 20 minutes, avant qu’on ne voit rouge vif, tant cette série est bêtifiante et stéréotypée. Un vrai carnage en mode « Paris, c’est trop cool et trop beau, ils sont trop romantiques les Parisiens, comme dans nos rêves les plus fous d’américains autocentrés ». Un mot à Darren Star : Paris, ça craint. La Ville Lumière ou la Ville de l’amour n’est plus.

Persévérant dans le degré du ratage constant et consternant, Darren Star nous pond une faiblesse narrative se juxtaposant parfaitement aux âneries déballées dans Emily In Paris. Disons plutôt : Emily au pays des mensonges éhontés. Un blasphème artistique. Et ce n’est pas fini. Après le plat de résistance, on passe au dessert : l’extraordinaire moralisation des américains comme cerise sur le gâteau. Et que je te fais la morale aux européens grâce à une subtilité déconcertante. Aïe, mon coeur va lâcher devant tant de sottises. Ah ces américains toujours en avance sur leur temps, s’érigeant en grands théoriciens de l’égalité. Une chose est sûre : Darren Star s’est bien amusé à planter les clous de sa propre croix. Sérieux, Darren, tu m’as volé 5 heures.