Nouveau tour de table chez nos amis de Los Gatos. Derrière la nouvelle série événement de Ryan Murphy, Ratched, d’autres prétendants viennent s’ajouter plus discrètement sur la plateforme. 3 productions estampillées Netflix à voir ou éviter comme la peste, on fait les comptes.
Ratched
Commençons par la plus grosse, la plus attendue. En s’intéressant au début de carrière de Mildred Ratched, l’illustre infirmière dans Vol au-dessus d’un nid de coucou, Ryan Murphy nous propose une série à son image, ou plutôt dans sa veine. Un show hyper élégant habité par un panel de personnages plus troublants les uns que les autres. La patte de Murphy, reconnaissable en moins de 2 plans, donne une nouvelle fraîcheur aux années 40, à un après-guerre transpirant l’éloquence. Tout y est éclatant et tiré à 4 épingles, comme ce générique de départ sublime. Mais attention aux apparences.
La folie couplée à la perversité, dans un emballage cadeau étincelant, Ratched charme par son excentricité, par ses choix de couleurs flamboyantes, ramenant les personnages dans les ténèbres ou dans une colère noire. Une partition qui transpire la psychose, musclée par les mélodies vertigineuses de Mac Quayle. Ambiance stylisée et si macabre qu’on en prend notre pied. Du pur divertissement macabre au milieu des multiples traumatismes liés à l’enfance, Ratched offre un rôle à la mesure de Sarah Paulson. Dans son attirail soigné, dans son comportement le plus sulfureux et manipulateur, Paulson, hypnotisante, fait honneur au scénario tout en relief pensé par Murphy.
Ratched rappelle la première saison d’American Horror Story : convaincante par sa générosité et par sa distribution. Outre Paulson, Finn Witterock plaît, tout comme Sharon Stone, Cynthia Nixon ou encore Jon Jon Briones. Un casting qui renvoie à ce glamour révolu, laissant apparaître les défauts narratifs propres à Murphy. Poétique un temps, stylisée souvent, étirée fréquemment, Ratched est un tout, un voyage sophistiqué et emprunt de violence. Tous les matériaux rassemblés forment une énergie brute, dans un décor raffiné, mais trompeur. L’expérience est brutalement douce.
Le Dernier Mot
Rire pour alléger la perte. Le deuil c’est lourd et ça fait pleurer, pas rire. Faut de la pudeur pour parler de l’absence d’un proche qui nous est cher. Dans Le Dernier Mot, la pudeur vole en éclats et la mort illumine une vie, celle de Karla Fazius, une Berlinoise et mère de famille, mais surtout femme endeuillée après la perte abrupte de son mari.
Le soir de leur 25ème anniversaire de mariage, la grande faucheuse passe faire coucou. Karla, quinquagénaire au phrasé acéré, totalement décomplexée, capable de balancer un doigt d’honneur à sa propre mère, voit son existence prendre un grand coup de frein. Fauchée dans sa bonne humeur. Stephan, une rupture d’anévrisme plus tard, va devenir une sorte de détonateur, d’illumination pour sa propre femme : elle va pondre des éloges funèbres, mais pas seulement. Stephan cachait une partie de sa vie. Les bras lui en tombent, Karla n’en croit pas ses yeux : son mari ne faisait pas ce qu’elle pensait.
Le titre « Sparring Partner » de Paolo Conte en fond sonore, les funérailles approchant, les enfants bien sonnés par les événements, la désormais veuve décide d’avancer – les finances familiales font grise mine. Plutôt que de s’en détourner fissa, elle va livrer bataille face au deuil. Faire face au fantôme qui la hante : Stephan, ce bougre de conjoint. Même mort il est envahissant. Fini de se lamenter. Elle rencontre son futur boss, Andreas Borowski (Thorsten Merten), un croque-mort qui travaille avec son fils. Lui-même bien déprimé par sa boîte qui ne tourne pas bien et un mariage qui s’étiole, sa rencontre avec Karla va lui apporter un peu de baume au coeur.
6 épisodes poignants et loufoques de plus de 40 minutes imaginés par Thorsten Merten, dont l’écriture a été confiée à Aron Lehman et Carlos V. Irmscher. Mais la véritable force du show est indéniablement la performance de Anke Engelke. Variant entre les instants dramatiques et comiques avec une aisance déconcertante, l’âme de la série c’est elle. Autre intérêt dans Le Dernier Mot est la construction des relations : la froideur, la distance qui s’est créée entre les différents protagonistes scelle une vraie tristesse subtilement érigée, en surlignant le chagrin. Très juste, parfois tordante, l’histoire nous démontre que le deuil est peut-être digéré par la majorité des gens de manière erronée. Non, la personne qu’on enterre n’a pas toujours été parfaite. Et malgré l’absence, faut-il rappeler ses erreurs, les mettre en lumière ? L’absence n’est pas gage de pardon éternel. Le Dernier Mot l’évoque habilement. Une série à dévorer !
Duchesse
La comédienne Katherine Ryan déballe l’artillerie lourde… pour notre plus grand désespoir. 6 épisodes d’une comédie vulgaire et très loin de faire rire. Des soupirs à foison, oui, un wagon même. Rien de jouissif, rien de transgressif, mais surtout du grossier et du gavage de blagues idiotes.
La Canadienne installée au Royaume-Uni depuis belle lurette, s’est amusée à rire de sa propre existence en se mettant en scène dans une « série autobiographique ». L’histoire ? Une mère sculptrice qui ne prend au sérieux que les envies de sa fille, Olive (Katy Byrne), la seule chose qui lui apparaît comme importante. Alors quand sa fille souhaite un petite frère, elle se met en quête de sperme. C’est parti pour la torture. Se retournant vers son ex, un rockeur (Rory Keenan) qui a connu son heure de gloire et dorénavant proche du statut de SDF, Katherine souhaite lui récupérer un peu de sa semence pour avoir 2 enfants issus du même père – habile, Bill. On persévère dans la bêtise jusqu’au moment du passage à l’acte. Le problème est le suivant : les 2 ne peuvent se supporter, pas même une simple caresse n’est possible entre eux. S’enclenche une séquence qui aurait dû (pu?) être drôle, mais qui, au lieu de ça, tire en longueur et en devient gênante.
Gênante et épuisante, éreintante tant elle ne fait jamais rire, Duchesse se love dans la bêtise. Une série inutile, osons le dire. Katherine Ryan n’a pas réussi à faire le saut comme Ricky Gervais l’avait réussi, grâce à une écriture plus élaborée, plus accordée au genre sériel. Ryan, elle, n’essaie rien et préfère user de la sulfateuse à blagues avant de développer ses personnages. Là, c’est tout simplement un naufrage, et s’enfiler 3 épisodes tient de l’exploit.