De la Suède à la Belgique, en passant par les États-Unis, Netflix nous fait voir du pays. Avec pour épouvantail Kevin Hart, dans un rôle dramatique aux côtés de Wesley Snipes, notre nouveau baromètre sent bon la putréfaction cadavérique. Des macchabées et des secrets, voici de quoi vous sustenter sériellement parlant. Place au show.
Coyotes
Commençons par des scouts qui découvrent un cadavre et des diamants. Injectez les tourments adolescents en plus et vous avez le ton. C’est dans la chaleur des forêts luxembourgeoises, dans les nuits d’ivresse que Kevin (Louka Minella) joue les rebelles. Avec son acolyte Furet (Kassim Meesters), le jeune intrépide sent qu’avec la découverte de ces diamants, sa vie peut basculer – du bon côté. Incertitude, amour, angoisse, amitié et loyauté sont les ingrédients de cette nouvelle série belge.
« Coyotes » prend des airs de « Panic », série diffusée sur Amazon Prime Video, dans sa tonalité, dans sa façon de nouer des relations à la vitesse de l’éclair. Si « Panic » avait un peu plus de temps et une écriture plus maîtrisée, « Coyotes » commet un faux-pas : tout empiler et user de raccourcis.
Drame adolescent à la mise en scène plutôt convaincante, il est avant tout le tremplin d’un joli casting, jeune et prometteur ; Sarah Ber, intéressante, et Dara Tombroff, magnétique. Côté masculin, Kassim Meesters tire son épingle du jeu, tout comme Louka Minella. Les deux fers de lance du show.
Expédiée sur Netflix à partir du 2 décembre, la série, produite par Panache Productions et diffusée par RTBF, possède, derrière ses nombreux défauts, un scintillement, un désir de briller alors que son ensemble n’est pas sans carences. Le trio à la création (Axel du Bus, Vincent Lavachery, Anne-Lise Morin) parait parfois emprunté. Et comme l’adolescence, il y a des imperfections, mais c’est l’envie de s’affirmer et d’exister qui l’emporte. C’est peut-être sous cet apparat un brin désordonné que « Coyotes » arme sa flèche et touche sa cible.
L’improbable assassin d’Olof Palme
Alors que la série fait face – ou plutôt Netflix – à une plainte pour diffamation, cette nouvelle production estampillée du N rouge ouvre le chapitre d’une histoire dans la veine du Zodiac, fondée sur le meurtre d’Olof Palme, premier ministre suédois froidement assassiné en pleine rue. Mais ce meurtre est aussi l’œuvre d’une véritable chasse à l’homme, celle qui a vu Stig Engström, employé d’une compagnie d’assurance, se faire épingler. Le débat est encore vif en Suède pour savoir si cet obscur Engström avait réellement commis le crime.
5 épisodes pour laisser fusionner les faits et les spéculations. L’enquête est même comparée à l’assassinat de John F. Kennedy, en 1963. Une affaire tentaculaire et fichtrement divertissante. Un polar froid avec une belle rupture dans la seconde partie, le moment où le journaliste Thomas Pettersson commence à réenquêter sur l’affaire des années plus tard. Ce même Pettersson dont le livre est la genèse de la série.
L’autre grande satisfaction nous vient de Gustafsson, dans la peau de Engström. Effrayant même. « Le taré solitaire », comme le qualifiait le chef de l’enquête. Lui, le petit graphiste de la compagnie d’assurance Skandia, vraiment ? En sous-estimant le bougre, « L’improbable assassin d’Olof Palme » démontre ainsi la faiblesse des autorités quant à l’enquête menée. Et au lieu de verser dans le récit dit Wikipédia, l’histoire est délaissée pour faire place à son soi-disant meurtrier. De ce fait, la série devient une grande toile complexe sur une affaire de meurtre que David Fincher ne renierait pas.
La réalité en face
La gloire pour Kevin Hart, ou plutôt Kid. Star d’un film de superhéros au box-office affolant, l’acteur-humoriste surfe sur la vague du succès. À partir de là, pas de problème. Mais à l’occasion d’un arrêt dans sa tournée, Kid va atterrir à Philadelphie, sa ville, ses origines, son passé. Il retrouve son grand frère, Carlton (Wesley Snipes), au casier bien rempli, aux factures impayées et quémandeur professionnel. L’aîné est un boulet.
Mais le « mauvais frère » va se muer en sauveur quand Kid se réveille, une gueule de bois en prime, auprès d’une jeune femme inanimée, conquête du soir d’avant. Une morte sur les bras, la poisse. Mais c’est surtout la carrière florissante de l’acteur qui s’apprête à partir en fumée. Et une chose entraînant une autre, Kid va s’empêtrer dans une spirale infernale, émotionnelle et criminelle. Une aspiration sans fin, un effet domino éternel.
Outre la course pour cacher cette pauvre jeune femme refroidie, plusieurs thématiques se succèdent pour accompagner « La réalité en face ». La création d’Eric Newmann (showrunner de « Narcos ») surligne cette délicatesse de tous les instants de maintenir une image lisse au pays de l’Oncle Sam : se montrer sous son meilleur jour, éviter le faux-pas à tout prix et par conséquent le bad buzz. Pour les fans enragés, ce sont des superhéros qui illuminent leur vie – un très joli passage témoigne de la place des stars dans l’existence de fans invétérés.
L’ivresse de la gloire, la déconnexion du monde environnant, les passe-droits multiples. « La réalité en face », c’est le showbiz dans son intimité. C’est également la toxicité d’une relation fraternelle. Et ô surprise, Kevin Hart est excellent dans son rôle. L’humoriste prouve que sa palette de jeu ne se résume pas à ses pitreries. Et Wesley Snipes dans tout ça ? Le légendaire Blade prouve qu’à 59 ans, il est encore très bon comédien. Précis d’intériorité, l’acteur américain est particulièrement bon dans son rôle de contrepoint de Kevin Hart.
Un excellent premier épisode, une cadence prolongée dans le second, avant que des choix scénaristiques ne freinent le manège. Les thématiques effleurées, et très intéressantes, sont étouffées par une averse de cliffhanger. « La réalité en face », solidement produite, sonde les coulisses de la grande machine du spectacle, mais reste en surface. La série aurait même pu être compulsée en un film de 2h. En résumé, nous avons le squelette, mais il manque de chair.