Qu’ont Jeff Daniels, Sean Bean, Stephen Graham et Golshifteh Farahani en commun ? Ils figurent tous dans notre baromètre sériel. « American Rust », « Time » et « VTC », 3 séries diffusées sur Canal+ qui s’effondrent derrière ce même thème : le désespoir fera place à l’espoir.
American Rust (Showtime – Canal+)
Le simple nom de Jeff Daniels est souvent synonyme de qualité. Diffusée le 25 novembre, la création de Dan Futterman, adaptée du roman de Philipp Meyer, est une nouvelle percée dans l’Amérique oubliée, dans la misère qui se couple à la criminalité. Del Harris (Jeff Daniels), droit dans ses bottes, est le chef de la police d’une petite ville vampirisée par la pauvreté. Ça vous rappelle quelque chose ? « Mare of Easttown », oui, vous avez tout juste.
Del Harris, vétéran de la Guerre du Golfe et shérif dans un western moderne qui sent « l’American Dream » évanescent, va faire fi de son éthique pour sauver le fils de la femme qu’il aime. C’est pour ainsi dire dans une atmosphère sombre et grise, dans la ville fictive de Buell en Pennsylvanie, que les rêves les plus simples ont disparu, que la toxicomanie a remplacé le travail au quotidien. L’odeur de la rouille se mêle à celle de l’abandon. Tout part à vau-l’eau, tout n’est que désolation pour des habitants spectateurs de l’effondrement de leur patelin.
Dans cette tension entre devoir et sentiment, il y a un duo qui fonctionne à merveille : Maura Tierney, la mère célibataire et peinée par un fils qui file du mauvais coton, et Jeff Daniels, un homme qui s’affaisse. « American Rust », c’est la solitude gravée dans la pierre, c’est le sevrage et la douleur de ne trouver le chemin vers une vie saine. Alors oui, la série est à combustion lente, elle se laisse guider par des intrigues secondaires, pour parfois se cogner à un cul-de-sac. Mais n’est-ce pas ça le véritable sens du récit : des âmes égarées et emprisonnées dans cette ville abandonnée ? « American Rust » est une réussite.
Time (BBC – Canal+)
Un 14 octobre 2017, Mark Cobden (Sean Bean) a vu sa vie totalement basculer. Aviné, au volant de sa BMW, il fauche un cycliste, un père de famille qui plus est. Homicide involontaire, 4 ans de prison à la clé et des remords plein les bras. De l’autre côté, il y a Eric McNally (Stephen Graham), agent pénitencier intraitable à la carrière exemplaire. Lui aussi fait face aux tracas : son fils est en prison. L’info remonte jusqu’aux détenus qui le menacent. Mark et Eric se croisent, ils échangent sans jamais véritablement se lier. Ils ne font que survivre pour tenter de se sortir de ce bourbier ; deux destins différents regroupés dans le même périmètre.

Dès l’entame, la froideur du milieu carcéral vous frappe. Mais « Time », au-delà de la glaciale administration anglaise, sculpte des portraits de détenus hantés par leur passé, rongés par la douleur. Surtout, Jimmy McGovern injecte une belle humanité dans le vacarme barbare de ces prisons austères. Il ne cherche pas à coller des étiquettes sur des individus qui ont fauté une fois, une seule et unique fois.
« Time » est l’occasion de voir à l’œuvre deux acteurs immenses, d’une précision chirurgicale. Pas de scènes larmoyantes, juste des instants d’une tendresse désarmante et parfois d’une dureté implacable. 4 épisodes dosés avec retenue qui fait toute la beauté du show. Un récit intense, si beau et térébrant.
VTC (Canal+)
Autre mini-série, cette fois-ci française. Dans « VTC », Goshifteh Farahani, convaincante, se glisse sous les traits de Nora, une chauffeuse accro aux amphétamines. Sa vie n’est pas très glorieuse, elle tente de joindre les deux bouts. La jeune femme est forcée de dormir dans sa voiture en attendant de réunir assez d’argent pour obtenir la garde de sa fille. Et comme la poisse semble lui coller aux baskets, Nora apprend l’accident de son frangin, Ben (Vincent Heneine), chauffeur également. Pour le remplacer sur un boulot, elle va, sans le savoir, mettre les pieds dans un traquenard : un réseau mafieux.
Joliment tournée, « VTC » de Julien Bittner appuie sur l’accélérateur durant 5 épisodes de 20 minutes intenses, furieux par instants. Un polar noir et urbain, se déroulant entre 18 heures et 6 heures du matin. Un processus qui rappelle le film « Locke » de Steven Knight – en moins maîtrisé. Mais « VTC » maintient une action tenue, qu’on pourrait qualifier de film découpé en 5 segments. Une belle embardée pied au plancher.