Baromètre sériel #2 : 3 séries Netflix à voir ou à éviter

Nouvelle incartade chez nos amis de Los Gatos. La firme au grand N rouge continue à moissonner et diffuser nombre de séries. Difficile de s’y retrouver. Axons notre baromètre sur 3 séries : Stateless, Cursed et Ju-On : Origins. Valables ou pas ? On vous amène de petits éléments de réponse.

Stateless

Produite et co-écrite par Cate Blanchett pour la télé australienne (ABC Australia) et dorénavant sur Netflix, Stateless s’inspire de l’histoire vraie de Cornelia Rau, détenue illégalement dans un camp pour réfugiés pendant 10 mois.

6 épisodes en 3 axes distincts : Sofie (Yvonne Strahovski), Ameer (Fayssal Bazzi) et Cam (Jai Courtney), 3 individus tous rattachés au centre de rétention de Barton, lieu de désespoir. L’une est sous l’emprise d’une secte, l’un s’est enfui d’Afghanistan pour avoir la vie sauve et le dernier est un garde du camp de Barton. Ils sont animés par une seule et même raison : s’octroyer une nouvelle liberté. Courir après cette fichue liberté.

Une thématique se dégage de Stateless : la fuite. Fuir son pays, fuir une situation financière étriquée, fuir une secte, un gourou manipulateur. Fuir, courir, déguerpir, s’évader, s’éclipser pour un peu de répit. Voilà l’équation principale d’une série qui peine à appuyer sur le champignon avant de trouver son rythme de croisière. Dans l’enfer de Barton, où sable et chaleur écrasante anesthésient les maux, une véritable bulle psychologique se forme pour créer ce huis-clos carcéral. Une torture psychique dans la fournaise qui parvient à décoller l’âme du corps pour enfin laisser l’esprit vagabonder.

D’une violence psychologique, parfois physique, Stateless réussit à déjouer les ressorts misérabilistes qui auraient pu surgir. La force réside dans une écriture faite de fulgurances, intelligemment axée sur cette seule motivation de se libérer d’un poids. Jai Courtney, brillant, est la force dévastatrice de l’histoire : heureux d’offrir une vie plus confortable à sa famille, mais traîné dans la boue – mentalement – par les conditions extrêmes du camp. Yvonne Strahovski, elle, insuffle une part plus complexe, si proche d’imploser. Au cours des 6 épisodes, son personnage traverse les différentes temporalités pour nous détailler les raisons de sa détention. Un vrai chemin de croix.

Un ensemble qui épouse les contours d’un enfer sur terre, qui permet de rappeler la douceur d’une liberté ou d’un simple air de Chopin. Une histoire en forme de montagnes russes assez nerveux et poignant, portée par une belle brochette de comédiens.

Cursed

Après le succès de The Witcher, Netflix rempile dans une veine semblable. Cursed et son univers sombre et incertain, à la violence parfois exacerbée quand les Paladins – avec pour tête pensante Peter Mullan, l’inoubliable James Delos dans Westworld – décident de mettre à feu et à sang des tribus païennes. Nimue, une Faë, est l’élue dans laquelle la magie noire coule dans ses veines. Rien n’a été facile pour elle, malmenée durant son enfance et rejetée par les siens, même par son père. Nimue la maudite, la chassée, campée par la star de 13 Reasons Why, Katherine Langford. Et bien que le récit soit centré sur l’actrice australienne, c’est l’interprète de Merlin qui lui vole la vedette : Gustaf Skarsgård – énième membre de la dynastie Skarsgård. Un Merlin un peu débraillé, fin connaisseur des bitures à la vinasse. Un magicien rockstar revitalisant une histoire qui parfois s’embourbe dans un rythme pantouflard.

Rappelez-vous, Guy Ritchie s’était amusé à revoir la légende arthurienne dans un film drôle et dopé au montage survitaminé. Cette fois-ci, c’est une relecture plus sombre, fonctionnant par intermittences, des fulgurances par-ci, par-là. Freiné par de nombreuses faiblesses rythmiques, Cursed revient à cette production de fantaisie plutôt kitsch s’adressant à un public adolescent. Là, réside une petite erreur de gestion : miser sur le récit pour adolescents ou viser un public plus adulte avec une histoire sombre et vile ? La série paie un lourd tribut à chercher sa cible et court après une tonalité satisfaisante, délaissant des sous-intrigues intéressantes sur le bas-côté.

Adapté de la BD de Tom Wheeler et Frank Miller, Cursed s’en sort tout juste. Tenter de filer un bon coup de fouet à la légende d’Excalibur était une bonne idée. On souligne l’effort, mais il manque l’audace ou la sophistication peut-être, voire même l’incarnation. Disons que Cursed reste potable pour un divertissement dominical.

Ju-On : Origins

Adaptation sérielle de la fameuse franchise horrifique de The Grudge (remake américain) et des films japonais Ju-On, Ju-On : Origins débarque sur Netflix avec un héritage qui pourrait ne pas plaire aux fans du genre purement horrifique. Pas de jump scares, mais une judicieuse évocation de l’horreur « réelle ».« La réalité est plus effrayante que les films ». Voici l’incipit de cette nouvelle série japonaise visible sur Netflix. Alors, vraiment plus effrayante ? Une chose est sûre, cette série préquelle est audacieuse, parfois palpitante. Une construction de 6 épisodes de 30 minutes, plutôt bien emmanchés pour revisiter le mythe horrifique. Une mise en place rapide pour nous présenter ce journaliste-chasseur-écrivain, Odajima, capté par l’histoire d’une actrice de télévision, Haruka, contant l’aventure de son petit-ami ayant visité la tristement célèbre maison. Depuis, elle entend des pas la suivre, des bruits qui la hantent. Cette quête obsessionnelle autour de ce pavillon hanté va emmurer l’écrivain dans une longue enquête: de 1988 à 1995.

L’histoire intègre bon nombre de sous-intrigues et permet d’étendre la malédiction pour comprendre les racines du mal. Les froides vengeances, le coup d’oeil dans le rétroviseur – de superbes scènes couplent le passé et le présent – pour comprendre que le pavillon n’est qu’une conception de la violence (extrême) qui peut sommeiller chez l’être humain.

Ce « fantôme » qui vous hante jusqu’à votre dernier souffle, calibre le récit telle une forteresse impénétrable. L’allant créatif – surtout l’audace d’empoigner l’histoire de cette manière – démontre que les traumatismes ne s’évaporent pas avec le temps, ils vous suivent comme cette ombre maléfique qui vous courbe le dos jusqu’à vous envoyer tout droit dans la tombe. Un joli pas de côté qui donne un bon coup de fouet à la franchise nippone.