3 séries, 3 productions Netflix. Notre glorieux baromètre revient pour passer au crible l’histoire d’une jeune femme se démenant pour subvenir à ses besoins, la corruption dans le sport et une enquête sur des meurtres sordides dans l’automne danois.
Maid
Le harcèlement psychologique est assurément l’une des choses les plus complexes à supporter, et s’en libérer requiert du courage et bien plus. Et Alex (Margaret Qualley) va en baver, pleurer sa misère et sa condition. En tant que mère célibataire, une gamine de 3 ans sur les bras, sans boulot et les poches vides, disons que le tableau n’est pas reluisant. Mais « Maid » est surtout une performance, celle de Margaret Qualley. N’ayons pas peur des mots, ce rôle est sûrement son meilleur dans cette chronique sociale et humaine un peu terne, un peu tendre pour le traitement d’un tel sujet.
Inspirée du livre autobiographique de Stéphanie Land « Maid : Hard Work, Low Pay and a Mother’s Will to survive », la série pondue par Molly Smith Metlzer (scénariste de « Shameless » et « Orange is the new black ») offre des morceaux de bravoure, des échanges intenses, un flot émotionnel. Une jeune femme qui s’efforce d’avancer tout en emportant son lot de malheurs greffé à son désir d’indépendance. Et Metzler n’en fait pas un mélodrame empesé, mais rate le coche quand il faut appuyer sur le champignon. Il y a comme un manque d’assurance, comme une étincelle dramatique manquante, un penchant humoristique expédié sans consistance. « Maid » aurait pu devenir déchirante si l’écriture et le ton avaient emprunté des sentiers plus sombres. Les épisodes se succédant, cette décharge dramatique nous viendra de Qualley, surprenante de précision, mais pas de la série dans sa globalité. Pas de complaisance, mais un manque de puissance flagrant.
Bad Sport: la triche organisée
Argent et corruption dans le sport. Après l’excellente série « L’envers du sport », Netflix se saisit une nouvelle fois du sport et nous étale sa science du documentaire bien torché. Une série de 6 épisodes de plus d’une heure, bien fichue, tenue et sacrément maîtrisée pour traverser des destins cauchemardesques – l’argent sale comme point commun.
Le premier épisode nous emmène dans le sport universitaire gangréné par l’euphorie des paris sportifs. Des millions qui pleuvent autour de jeunes étudiants bouillants et prêts à tout pour accrocher la NBA, le Mont Olympe du basketball mondial. Mais qui dit étudiant, dit fauché. Stevin « Headake » Smith est le meneur de jeu de l’équipe de basketball de l’Université de l’Arizona, en 1994. Le jeune homme enfile les paniers et peut à lui seul décider du sort d’un match. Une chose en entraînant une autre, il rencontre un étudiant qui lui présente un trader de Chicago. Les paris vont pleuvoir, les millions aussi, jusqu’à l’éclatement du scandale. Un engrenage fatal pour Smith, ainsi que pour son collègue Isaac « Ice » Burton. Des vies brisées, des talents saccagés, des jeunes hommes en lambeaux, simplement pour de l’argent facile. Un excellent épisode qui démontre avec quelle facilité des personnes mal intentionnées peuvent corrompre de jeunes sportifs.
Cette même cupidité est imprégnée dans l’épisode de Randy Lanier, pilote chevronné et baron de la fumette. Des tonnes de marijuana pour éponger les factures de son écurie automobile – sa passion dévorante et obsédante. L’homme traverse son passé et l’ivresse du championnat automobile, et l’autre ivresse d’être plein aux as. Ancien meilleur rookie des 500 miles d’Indianapolis, le petit paysan déboulant de sa Virginie natale s’est permis le luxe de briller sur 2 tableaux : la course auto et le trafic de drogue.
Outre un tueur à gages dans le milieu hippique, l’histoire désastreuse du joueur de cricket Hansi Cronje, ou une juge ayant fait scandale à l’occasion de l’épreuve de patinage artistique des Jeux de Salt Lake City en 2002, l’un des épisodes phares est assurément l’affaire Calciopoli, entre 2003 et 2006, impliquant la Juventus et le Milan AC, les grosses écuries du championnat de football italien. Une percée intense, où Luciano Moggi et un haut cadre de la fédération de football italienne en charge des arbitres seront pincés pour corruption. L’emprise de Moggi était telle que ce scandale a mis en lumière la corruption dans le football mondial. Produite par les équipes de « Three Identical Strangers », « Fear City » ou encore « Don’t Fuck With Cats », « Bad Sport: la triche organisée », bien qu’inégale, nous ramène à ce constat implacable : ce sont les coulisses qui dictent le sort du sport professionnel.
Octobre
Une série danoise centrée sur un horrible meurtre ? On signe tout de suite. Soren Sveistrup, créateur de la série « The Killing », joue des feuilles mortes et des couleurs automnales en adaptant son propre roman. Le sujet : une jeune femme assassinée froidement, les mains tranchées. À ses côtés, un petit bonhomme avec des marrons et des bouts de bois. Un peu plus tard, une nouvelle découverte macabre et une nouvelle poupée en marrons. L’enquête est lancée.
Polar bien sombre, « Octobre » retrouve les éléments qui ont fait la renommée des séries noires nordiques – amorcée en 2010 -, pour en faire une nouvelle production d’excellente qualité. 6 épisodes rondement menés, dans une atmosphère lourde d’indices et de souvenirs. Et préparez-vous, c’est une série à combustion lente : les 2 premiers épisodes sont très verbeux. Mais c’est pour mieux vous embarquer dans cette investigation dans laquelle Thulin (excellente Danica Curcic) et son partenaire sibyllin, Hess (Mikkel Boe Folsgaard) sont empêtrés.
Toujours est-il que, malgré les ficelles et les effets reconnaissables, « Octobre » vous agrippe sans vous relâcher. Ce « scandi-noir », comme est surnommé ce genre sériel, nous démontre la maîtrise des nordiques pour ces récits racés et brutaux. Les personnages, l’écriture au scalpel, le casting, l’élégance et le soin de la mise en scène sont des arguments qui gomment les quelques faiblesses.