Baromètre sériel #18 : 3 séries à voir ou à éviter

Vous l’attendiez tous et le voilà : notre baromètre sériel revient pour passer au crible 3 séries. Pas de nouvelles créations, mais des nouvelles saisons : « Validé » saison 2, l’excellente « Succession » et sa saison 3, et un nouveau chapitre à mettre à l’actif de « American Crime Story ». Un plateau bien garni.

Validé S2 (Canal+)

Après une première saison étonnante et d’un excellent calibre, et ce malgré de petites imperfections, il est l’heure de prolonger le plaisir. Frank Gastambide et son équipe nous avait proposé une production rythmée, bien foutue pour une immersion intense dans le rap français. À l’instar des « Empire », « Atlanta » ou encore « Wu-Tang : An American Saga », « Validé » a réussi à dessiner les contours d’un milieu dangereux et prêt à aspirer les jeunes prometteurs pour les recracher lessivés. La rue comme boulet et la musique pour s’en sortir, le récit traversait la folie du marché du rap français à travers Apash, rappeur à l’ascension fulgurante et fauché en pleine gloire. Assassiné froidement au retour de l’un de ses concerts, le fantôme du rappeur, encore dans toutes les mémoires après ce final inattendu, flotte sur l’incipit de cette seconde saison.

Pour « rendre fier » leur pote disparu, Brahim (Brahim Bouhlel) et William (Saïdou Camara) vont lancer Apash Music, avec l’aide de Mastar (Moussa Mansaly) et du producteur Sno (Franck Gastambide). Le début d’une aventure pour les 2 jeunes entrepreneurs, à écumer les salles et les réseaux sociaux pour signer la perle rare. Et cette fois, c’est une femme qui sort du lot, dégotée par Inès (Sabrina Ouazani). Problème : la gent féminine dans le milieu du rap, « ça ne marchera jamais ». Il en faut plus pour impressionner Lalpha. De son prénom, Sara (Laetitia Kerfa), vendeuse de baskets au flow acéré, va montrer de quel bois elle se chauffe. Ses collègues masculins vont goûter à ses punchlines et à sa vista. Mais vous vous en doutez, comme Apash qui cherchait à s’affranchir de son passé de dealeur, la jeune femme va se frotter aux fantômes de la rue.

La loi du marché et les aléas de la cité, pour enfin injecter le combat des femmes dans cette industrie ; « Validé » se tient grâce à une bonne gestion, mais souffre de répétitions. La construction des épisodes est du copier-coller, épisode par épisode, avant que l’humour (du milieu) ne tartine tout ça de son mauvais goût. Mais c’est le rap qui veut ça, c’est la branche où les inégalités et la misère forgent les caractères. Alors un ton en-dessous de la première saison – la surprise en moins, peut-être -, Gastambide fait preuve d’alacrité, passionné par son projet et par la réalité d’un business avec ses codes et sa langue vernaculaire. Cette seconde fournée est (plutôt) validée.

Succession S3 (HBO-OCS)

Place à ce fameux héritage des grandes dynasties familiales industrielles. HBO sait parfaitement orchestrer ce genre de drame familial, ultra rythmé et maîtrisé. Cette 3ème saison prolonge le plaisir, nous exposant un miroir quasi semblable à notre réalité. L’expérience est ô combien singulière : une écriture percutante, des dialogues ciselés, la patte de Jesse Armstrong, créateur du show, et son équipe ont réussi à créer un panel de personnages tous plus intéressants les uns que les autres. Leur dynamique et leur charisme participent à cette intensité allant crescendo. Une guerre père-fils de toute beauté, avec pour figures de proue Brian Cox et Jeremy Strong, époustouflants. La réalisation est aussi intense que la distribution. Son grain de folie, ses plans serrés ne font qu’amplifier cette pression presque animale qui grandit, depuis 2 saisons, pour enfin devenir une créature prête à être libérée – le capitalisme comme zoo familial.

Que dire de plus d’une famille qui va de Charybde en Scylla ? Tout simplement que cette guerre des égos dirigée par les grosses sommes d’argent (le clan Kendall contre le clan Logan) est plus folle que jamais, plus méchante et perverse que les 2 premières. Cette cellule familiale (incroyablement) dysfonctionnelle, sculptée dans un népotisme féroce surprend de bout en bout. Après 2 ans d’attente, ce nouveau chapitre s’enflamme à vitesse grand v, armant les flèches empoisonnées d’une série brillante. L’une des meilleures séries, si ce n’est la meilleure du moment.

American Crime Story : Impeachment (FX-Canal+)

Et hop, Ryan Murphy revient avec une histoire basée sur un livre de Jeffrey Toobin, pour nous proposer une reconstitution des faits de l’affaire qui a éclaboussée Bill Clinton lors de la procédure de destitution de 1998. Pour ce faire, un portrait croisé de 3 femmes. Une toile désordonnée, mêlant sexe, corruption, mensonge, misogynie, ces belles couleurs à peindre sur un tableau qui aura embarrassé la Maison Blanche et son obsession de l’image parfaite.

Un drame politique étalé sur 10 épisodes inégaux s’intéressant à Monica Lewinsky (Beanie Feldstein) et à sa confidente, et collègue lésée, Linda Tripp (la toujours fabuleuse Sarah Paulson). Ce volet de la franchise « American Crime Story » est une étude anthropologique furieuse qui sonde la dynamique politique de l’époque. Il faut bien avouer que même si l’écriture est imparfaite, c’est assez absorbant. Mais la série souffre de répétitions. Ryan Murphy, avec l’aide de Monica Lewinsky en tant que productrice du show, emmène le spectateur dans un galimatias politique étouffé dans un mélodrame un peu trop appuyé. Aussi, quelque chose nous chiffonne : mais où es-tu, Hillary Clinton ? Pas d’Hillary, mais un nouveau chapitre de ACS moins convaincant que les précédents.