Nouvelle percée sérielle, nouveaux projets à découvrir, un nouveau baromètre qui fait la part belle à Canal+ et OCS. Les 2 diffuseurs nous offrent 3 projets très intéressants, sur le papier, entre une danseuse de ballet sur le déclin mais revancharde, le retour d’une bande de vampires déglingués et un polar historique, disons que les propositions sont alléchantes. Verdict.
Shadowplay – (Canal+)
Elle est apparue sur Netflix en catimini aux États-Unis. Chez nous, c’est Canal+ qui l’a programmée dans sa grille. Elle, c’est « Shadowplay », une co-production canadienne et allemande qui prend place dans le Berlin de l’après-Seconde Guerre mondiale. 8 épisodes où nous retrouvons au casting Taylor Kitsch (« True Detective »), dans la peau du flic américain parachuté à Berlin pour colmater les brèches d’une police allemande qui a volé en éclat.
Derrière son rôle de former une force spéciale allemande, le dénommé Max Mclaughlin (Taylor Kitsch) s’engouffre dans un sacré bordel : une ville détruite, des ennemis extérieurs et intérieurs. Comme son titre l’indique, les ombres persistent à Berlin, des traumas enfouis alors que le mur commence à être érigé – Berlin, à ce moment précis, est scindé en 4 quartiers. Dispatché comme ces nombreuses intrigues qui vont finalement (bien entendu) se rejoindre : une commissaire à la recherche de son mari disparu, un mystérieux meurtrier, une serveuse victime d’un viol, un dézingueur de nazis au cerveau carbonisé par la violence – l’excellent Logan Marshall-Green – et j’en passe.
« Shadowplay », créée par Mans Marlind (« Bron » ou encore « Jour Polaire »), se donne les moyens d’avancer dans une forme de déclin de l’Occident teinté de polar. La glacialité de l’écriture de Marlind propose une immersion aussi noire que les esprits qui vagabondent dans cette série. Des séquelles, des fractures ouvertes qui se ressentent dans une ville qui opère comme un personnage, engloutissant les protagonistes qui la piétinent. Tout ça est bien appétissant, la reconstitution est saisissante, le ton est immersif, mais il manque cette étincelle pour en faire un magnifique jouet. Les retournements de situation nombreux et la maîtrise du rythme sont bel et bien à souligner. Mais il manque un cri à l’unisson : le défaut nous vient d’un casting trop timide, des personnages qui manquent de profondeur, délaissant une réelle introspection comme semblait le vouloir Marlind dans son entreprise. Toujours est-il que la série possède des atouts indéniables.
What We Do in the Shadows (saison 3) – (Canal+)
Encore des ombres, mais moins sombres que « Shadowplay ». Celles-ci sont rieuses et moqueuses, voire vicieuses. Nouveau tour de piste pour les furieux Nandor (Kayvan Novak), Nadja (Natasia Demetriou), Laszlo (Matt Berry), Colin Robinson (Mark Porsch) et Guillermo (Harvey Guillen). Retour surtout après une fin de saison 2 totalement délurée, un mois après les événements du Conseil vampirique où Guillermo a assassiné tous les vampires. Un gros délire.

Et à nouveau, cette 3e saison n’échappe à la règle de l’épisode référence. Tout le monde se souvient de l’épisode tordant de Jackie Daytona – Laszlo et ses envies d’ailleurs ont décidé d’atterrir dans un bar -, le barman et mécène d’une équipe de volley-ball de la ville. Pour cette nouvelle saison : les préoccupations romantiques de Nandor et un voyage à Staten Island. C’est tout ce qu’on va dire.
Mais le changement réside aussi dans une saison à l’humour pince-sans-rire et même… scatologique. Hilarant et efficace, « What We Do in the Shadows » continue à foncer tête baissée dans le registre mockumentary, dans le comique noir tout en offrant une nouvelle vision sur l’humanité et l’existence. Un mélange savoureux qui n’a toujours pas trouvé ses limites, alors qu’on se demande toujours qui est cette mystérieuse équipe de tournage qui filme nos suceurs de sang. Encore une question persistante, pour la meilleure série comique du moment, voire de l’année. On en redemande.
L’Opéra – (OCS)
L’Opéra de Paris, ses us et coutumes, son atmosphère tendue et parfois exécrable. OCS en fait une série avec pour figure de proue Ariane Labed. Comme un petit clin d’œil au documentaire « Relève : histoire d’une création » qui suivait les pas de Benjamin Millepied durant son pensum parisien – 2 ans tout au plus -, lui qui déclarait vouloir « déranger la hiérarchie établie » avant de prendre ses cliques et ses claques direction Los Angeles.
« L’Opéra » ne parle pas d’un chorégraphe, même si Raphaël Personnaz dans la peau du directeur Sebastien Cheneau le fait penser. Mais il est avant tout question d’une danseuse sur le déclin. Poussée vers la porte par Cheneau, la danseuse Étoile Zoé Monin se bat pour garder sa place. Une carrière fulgurante, des excès (fêtes, drogue, alcool, sexe) et un désir de se battre jusqu’à la dernière goutte de sueur. Un combat perpétuel qui voit la jeune garde pousser. Incarnée par Flora Soumaré (Suzy Bemba), la jeune danseuse noire de 19 ans et surnuméraire dans le corps de ballet n’a que quelques mois pour montrer de quoi elle est capable.
La série fait écho aux problèmes sociétaux, à l’élite de la danse et à la hiérarchie qui peine à accepter la nouveauté. Un conflit de génération qui passe par 2 danseuses : l’une est proche de la retraite, l’autre arrive pour bousculer les codes. Si sur le papier la production OCS démontre une vraie hargne, le scénario manque de mordant et d’un découpage permettant à la danse de véritablement exister à travers cette production qui pulse le renouveau de l’Opéra parisien.
Côté casting, Ariane Labed s’en sort très bien, très intense, très délicate. À l’instar d’un Raphaël Personnaz convaincant dans la peau du « sale type ». La distribution aux petits oignons, un bon point, mais il manque ce vertige émotionnel et pervers – dans les tons de « Black Swan ». Pour « L’Opéra » il manque d’une plus grande ambition et d’une régularité dans l’effort – la série fonctionne trop souvent sur courant alternatif. Nos 2 créateurs et créatrices, Cécile Ducrocq et Benjamin Adam sont coupables d’une averse de clichés, en témoigne cette mise en scène bien pâle. Dommage.