Baromètre sériel #13 : 2 séries Netflix à voir ou à éviter

Vous en avez assez ? Non ? Alors repartons pour un petit tour de manège dans le grand parc d’attraction Netflix. Le numéro un mondial du streaming continue sa marche en avant et diffuse à foison pour ses 200 millions d’abonnés assoiffés de programmes. Du spectacle, des meurtres, des manigances pour récolter un paquet de fric ; la sélection est explosive avec 2 séries tournant autour du même sujet : l’argent, à la vie à la mort

Le Serpent 

En novembre 75 à Bangkok, à la « Kanith House » l’appartement qui fait office de QG pour Charles Sobhraj, la dégaine et le regard perçant de Tahar Rahim donnent le ton : l’ambiance cool et glamour des seventies se juxtapose au regard glacial de l’acteur français dans la peau du tueur en série. Une bombe à retardement, un fin tacticien prêt à vous empoisonner la vie, aux apparences amicales mais s’avérant infiniment venimeuses. Le premier épisode est à combustion lente, comme le second, avant que le 3ème n’amène une nouvelle épaisseur dramatique – le personnage de Dominique (Fabien Frankel) cadre cette peur toujours plus forte et surtout la terreur que fait régner Charles dans son antre festif, avant que Nadine Gires (Mathilde Warnier) ne devienne un second piston dans le récit. 

Diffusée en janvier sur la BBC et depuis le 2 avril sur Netflix, « Le Serpent » est ce genre de série qui vous amadoue avant de cracher son venin. La trame est judicieuse, explosive. Richard Warlow et Toby Finlay optent pour cette attention portée à chacun des personnages qui gravitent autour du meurtrier. Des sauts temporels incessants, des analepses qui s’intègrent à merveille dans le récit pour le densifier et produire une architecture solide, parfois clinique tant elle s’imbrique habilement dans la structure narrative. Mais la grande satisfaction de la série découpée en 8 épisodes vient assurément de la performance XXL de Tahar Rahim. Étrennant cette allure sibylline, sécrétant son venin méthodiquement, l’acteur français excelle et fend la chaleur humide et les effluves d’alcool, la fumée des cigarettes pour briller de mille feux. Un rôle en forme de mise en abyme – un rôle dans le rôle, puisque Charles devient Alain Gonthier – pour dessiner un homme impavide, dégoûté par les bourgeois qu’il exècre profondément. Pour se venger, ce sont des avanies qu’il va infliger à de pauvres gens, de jeunes touristes pour assouvir sa soif de manipulation. Pour la petite histoire, dans une biographie publiée en 1979, Sobhraj disait : « Tant que je peux parler aux gens, je peux les manipuler. » Cette simple citation nous démontre le caractère sadique de l’homme.  

Snabba Cash 

Une trilogie de bouquins signée Jens Lapidus comme décor d’une série suédoise tout bonnement surprenante. « Stockholm noir. L’argent facile » (publié aux éditions du Plon en version francophone) s’est vendu à presque 650’000 exemplaires – un second et un troisième ont suivi. Pour la série, intitulée « Snabba Cash », elle prend ses quartiers 10 ans après la trilogie littéraire. 

Deux films avaient déjà vu le jour en 2010 et 2012, avec dans le rôle titre Joel Kinnaman. Pour Netflix, exit l’acteur qu’on a aperçu dernièrement dans la série Apple TV+ For All Mankind, et place à l’électrique et électrisante Evin Ahmad sous les traits de Leya Wahby, une entrepreneuse ambitieuse liée à un gang dirigé par l’intraitable Ravy (Dada Fungula Bozela). Comme son titre l’indique, on parle de « cash rapide », de crime organisé, de manigances allant des hautes sphères entrepreneuriales aux petites bandes de voyous dealant leur came. Et ce fric qui pleut et empeste les problèmes sera le détonateur d’une histoire musclée, ô combien rythmée abimant au passage des existences. Rien que son entame vous prend par la gorge, une mise en action sous speed : des investissements de plusieurs millions mensongers, des affaires qui tournent mal et voilà que le sol devient mouillé et poissé par le sang répandu des différents règlements de compte.

À vrai dire, on prend son pied, on vit à travers les pérégrinations de Leya, mère célibataire au courage sans faille et présentée comme la « Zlatan des affaires », mais également celles de Salim (l’excellent Alexander Abdallah), la garde rapprochée de Ravy. Plusieurs personnages viennent se greffer sans jamais freiner le rythme de dingue. Les deux univers, du crime organisé s’entrechoquant à celui des start-up, forment un feu d’artifice de tous les instants. La création d’Oskar Söderlund ne manque pas de piment, tendue comme jamais tant elle est immersive et d’une rare violence. Cette brutalité froide qui chasse toute quiétude sur le visage de plus en plus marqué de Leya, percutée par la barbarie de ces deux milieux, traduit la frontalité de cette production suédoise – incarnation, production et application. « Snabba cash » est une sacrée surprise, tout comme ses protagonistes tous excellents dans leur rôle respectif.