Des caïds qui font la loi dans les quartiers chauds de Marseille à l’abnégation comme chemin pour réussir, notre sélection est faite de hauts et de bas, avec certaines séries qui valent leur pesant de cacahuètes. Caïd, Last Chance U et The One, un chemin commun se dessine pour ces 3 séries aux apparences éloignées : une course effrénée vers le bonheur.
Last Chance U
Après le football US, place au basketball et les Huskies de l’East Los Angeles College. Une 5ème saison qui effleure les prémices de la pandémie de Coronavirus, mais c’est bien l’évolution des jeunes dans un milieu sportif ultra concurrentiel au pays de l’oncle Sam qui rythme la série. Tous n’ont pas le même chemin tout tracé, comme un Zion Williamson par exemple. Pour atteindre le Saint Graal (la NBA), la route est sinueuse et les sorties de route ne sont jamais loin. Une ode au dépassement de soi, sculptant des portraits de jeunes profondément touchants : Malik, KJ, Deshawn ou encore Joe Hampton sont des sportifs qui s’évertuent à repousser leurs limites – morales et physiques – pour obtenir une bourse universitaire qui changera leur vie. En point de mire, la NBA pour rêve ultime.
Tout comme « We Are : Brooklyn Saints« , ces jeunes sont poussés à respirer sport et étude pour s’assurer un avenir confortable, ou du moins acceptable. Le sport comme clé de voûte, comme ascension vers la NBA, dans le meilleur des mondes, ou tout simplement pour accrocher un job convenable. « Je ne veux pas finir chez Foot Locker » souffle Malik, plus de 2 mètres sous la toise et le regard dans le vague.
La victoire en championnat dans le viseur, cette nouvelle saison de « Last Chance U » radiographie l’existence de ces jeunes retraversant leur passé et leurs fêlures pour enfin laisser leurs tripes sur le parquet. Les vomissements et la transpiration sont légion. Le coach Mosley, entouré du second coach Rob Robinson, insuffle une rage de vaincre, une joie de souffrir, mais également une philosophie du travail en équipe. Cet esprit collectif mis a rude épreuve face à l’adversité, infiniment important quand les problèmes se dressent. Voilà comment John Mosley assimile le sport à la vie, lui, le diacre, l’entraîneur déchaîné. Ses paroles teintées de religion accompagnent la série et poussent ses poulains à se défoncer pour réussir. Mosley n’oublie pas de rappeler que ses joueurs ont une chance, aussi infime soit-elle ; un pas de travers et tout part à vau-l’eau. Une série sur le fil et guidée par le spleen adolescent. À dévorer.
Caïd
Tony est un ex taulard, tout juste sorti d’un séjour à l’ombre pour tourner un clip de rap. Franck (Sebastien Houbani) et son acolyte sont dépêchés par le label qui a repéré Tony sur les internets, pour « cliper » un son enregistré en prison. L’arrivée du réalisateur et de son cadreur dans les quartiers chauds va tourner au vinaigre. Entre règlements de compte et trafic de drogue, tout peut s’embraser en une fraction de seconde.
« Caïd », une série se voulant ultra rythmée – rappelant le moulage d’une web-série -, découpée en 10 épisodes de 10 minutes avec la barbarie pour champ lexical. « Caïd » hurle son langage sauvage dans un quartier chaud, « inflammable » comme l’explique un éducateur spectateur de ses affaires de rue. Tony (Abdraman Diakité) est le parrain de la cité, le dernier rempart avant l’embrasement. Il est épaulé par son bras droit, Moussa, inspiré du passé du comédien qui l’incarne, Mohamed Boudouh. Tout tourne autour de lui : le chef de bande, le futur rappeur appelé à briller. Mais il est surtout le personnage qui pose un regard désabusé sur son existence, sur le petit monde qui environne dans ce microcosme trouble et mouvementé. Un pas de retrait – très bref, mais judicieux – pour décrire une vie faite de violence et d’incertitude ; le rap pour sortir la tête de l’eau et aspirer à une vie plus calme. Le quartier n’est pas loin d’avoir sa peau, tout comme Franck, éreinté par les appels multiples du label et fatigué de voir sa carrière stagner. Deux hommes dans deux navires différents, mais tous deux à la dérive.
Ange Basterga et Nicolas Lopez nous dessinent la vie d’un dealeur de drogue à travers une expérience immersive dangereuse et instable. Cette mise en scène, caméra à l’épaule et ce dispositif des GoPro portées sur la poitrine, assure une percée musclée dans un style coup de poing. Avec un langage fleuri qu’on pense sorti du bouquin de David Lopez, Fief, « Caïd » dépeint le tableau toujours explosif des banlieues chaudes, avec ses clichés et sa galerie de types détraqués faisant régner leur autorité de gros malabars. Mais derrière les manigances, Tony exprime une lassitude qui collerait à l’ambiance de ces jeunes voyous désillusionnés par la vie. Outre la petite pommade existentielle, l’action est plutôt bien torchée, aidée par son format court et nerveux. Mais à force, la mise en scène a tendance à devenir indigeste, nous baladant dans un style parfois sans saveur et dopé aux cliffhangers prévisibles.
The One
À Londres, la firme baptisée The One révolutionne l’amour grâce à une technologie basée sur les phéromones des fourmis pour bâtir une application qui vous fera rencontrer votre âme soeur grâce à votre ADN. Votre seul et véritable amour réside dans votre ADN, il coule dans votre sang. À la tête de cette société, Rebecca Webb (Hannah Ware), l’intraitable, la femme à la main ferme et aux cadavres dans le placard. Là est le mystère autour d’une directrice adulée ou méprisée, surtout quand son ancien colocataire, Ben Naser (Amir El-Masry) est retrouvé mort dans la Tamise.
Des coeurs brisés et nécrosés, des êtres dévastés par l’obsession de l’Homme pour la perfection. La technologie pour remettre tout en cause et délaissant le facteur humain, la chimie humaine qui fait le charme de la spontanéité. À la place, une vague de divorces et de séparations en prime. Overman a entre ses mains un matériau de base intéressant, mais préfère laisser le personnage de Rebecca écraser le récit. Le côté Black Mirror est abandonné pour opter pour un thriller où les secrets de son personnage principal sont prêts à jaillir pour l’embourber dans les sables mouvants du mensonge.
Dans le même registre que Soulmates, série AMC diffusée dernièrement sur Amazon Prime, « The One » n’use pas de la même richesse narrative que la production AMC. Le principal défaut de « The One » est avant tout lié au manque de profondeur concernant le fonctionnement des matchs. La technologie révolutionnaire semble être une distraction pour construire le personnage machiavélique de Rebecca Webb. Facteur corollaire, autour d’elle fleurit un patchwork de personnages : l’officier de police, le « match » de Rebecca, l’associé un peu agaçant, le couple touché de plein fouet par le doute après avoir testé l’application par curiosité. Un tel panel de personnages laissent bien entendu différentes questions en suspens : est-il possible que l’application se trompe sur l’orientation sexuelle ? N’y a-t-il qu’un seul match possible ? La dernière est évoquée timidement vers la fin de la série. 8 épisodes qui s’affairent à nous dépeindre les erreurs de Rebecca et son caractère manipulateur – le socle étant bon, mais l’histoire de Rebecca l’est moins. Howard Overman, en adaptant le roman de John Marrs, rate sa cible principale : le fait de penser que nous sommes faits l’un pour l’autre suffit-il à notre bonheur ? Dommage.