Apple TV+, lancement sériel réussi !

Les 4 séries de la nouvelle plateforme de streaming à la pomme ont déboulé le 1er novembre. Nous les avons vues et vous proposons un baromètre de ces productions estampillées Apple TV+. Après la très bonne tenue de The Morning Show, nous regroupons les 3 autres séries dans un seul article pour prendre la température. Dickinson, See et For All Mankind, que valent les productions du géant de la technologie ?

Dickinson et sa prose culottée 

Alena Smith a du culot et on aime ça. Comment dépoussiérer l’histoire de la poétesse Emily Dickinson et en faire une héroïne (très) contemporaine, à la plume acerbe et géniale, et au caractère bien trempé ? Sa créatrice en fait une féministe, une jeune fille de 18 ans refusant la moindre tâche ménagère. Jouant des poèmes – plus de 2000 ont été produits par la maîtresse du vers -, les lignes se juxtaposent sur l’écran pour nous bercer de sa prose. Un condensé, une nouvelle Emily Dickinson non-conventionnelle incarnée par la beauté douce d’Hailee Steinfeld. 

Photo copyright : Apple TV+

Une saison avec ses inégalités, parfois très adolescente et même agaçante dans certains épisodes – l’épisode 4 en est la parfaite illustration -, Dickinson est appréciable grâce à l’audace insufflée par sa créatrice. On aurait tendance à parler de série déphasée, hors du temps, comme l’avait réussi admirablement Baz Luhrmann avec Roméo + Juliette. Il faut attendre un petit round d’observation pour voir le show s’approprier totalement son concept. L’épisode 3 des « Nuits Sauvages » se détache des débuts timides pour déployer son éventail. Comme son héroïne, la série s’affranchit des limites pour tenter quelque chose de divertissant et de décalé. 

Dans son format de 30 minutes par épisode, la série est vive et dynamique. Dickinson n’est pas du même acabit que Euphoria, à distance respectable en ce qui concerne la qualité pour une série adolescente. Mais sa vitalité et ses fulgurances pop en font une création curieuse – la calèche morbide où trône Wiz Khalifa dans son costume d’ange de la Mort – au langage très actuel. 

For All Mankind et cette course pour décrocher la lune

La gueule de Joel Kinnaman, ses yeux effleurant la lune, voit sa carrière d’astronaute voler en éclats après une déclaration malheureuse faite à un journaliste. Ed Baldwin (Joel Kinnaman) était si proche de mettre un pied sur la lune, mais le destin en a décidé autrement, ou plutôt la NASA. « La NASA n’a plus de cran » lance Ed à un journaliste, au détour d’un bar et après plusieurs verres ingurgités. La parole de trop, celle qui va mettre le feu aux poudres. Pourquoi se plaindre de la société spatiale la plus prolifique ? Parce que les Soviétiques ont gagné la course spatiale, ils ont décroché la lune. 

Dans For All Mankind, il est question de regard. Comme déjà cité, celui de Baldwin si proche du Graal, d’un peuple les yeux rivés sur l’écran tv pour savoir où l’Homme en est dans sa quête spatiale, celui de monde que pose sur la grande Amérique qui ressort perdante de son combat face à l’URSS. Le 26 juin 1969, Alexei Léonov a remplacé Neil Armstrong dans les livres d’Histoire. Une uchronie est toujours un délice, amenant son lot de réflexions et de « si ». De ce fait, Ronald D. Moore (Battlestar Galactica) et Ben Nedivi lancent les hostilités d’une conquête spatiale captivante dans ses premiers épisodes. 

Dans le même ton que The First, série Hulu de Beau Willimon avec Sean Penn dans le rôle titre, For All Mankind explore les coulisses et ce que serait la conquête spatiale si les Soviétiques l’avaient gagnée. Son écriture tout en rupture et l’épisode 3 déballant un tout autre angle que dans les 2 épisodes précédents prolongent le plaisir. 

See et l’ambition aveugle

Il y a quelque chose de fascinant quand on commence See. L’immersion dans le décor pensé par Steven Knight – créateur de Taboo et réalisateur de Locke – et Francis Lawrence (Hunger Games) a de quoi donner le tournis tant il est réussi visuellement. Mais niveau scénario, l’ambition a surpassé l’exécution.

Dans un futur lointain, une grande partie de la civilisation s’est vue détruite. Il ne reste plus grand chose, seulement Baba Voss (Jason Momoa) et ses acolytes. En fait, l’humanité semble avoir régressé et se retrouve presque à l’Âge de pierre. Autre détail : les derniers survivants sont aveugles. Parti pris pour une aventure très, très longue à se mettre en place. Sur les 3 épisodes visionnés, le récit s’étire sans véritablement avancer. See est peut-être la série produite par Apple la plus décevante des 4 présentées. Un surplace sur plus de 3 heures, en forme de prologue, avec de bonnes idées – comment évoluer en étant aveugle dans un état primitif et barbare -, mais truffé d’incohérences. Une tendance qui nous décourage de poursuivre.