Anelka, l’incompris : la vérité d’un otage médiatique

Footballeur de grand talent, Nicolas Anelka a fait parler de lui sur et surtout hors du terrain. Un documentaire réalisé par Franck Nataf lui est dédié sous l’appellation de « Anelka : l’incompris ».

« Si Nico fait un film, il y aurait plus de parties qu’Harry Potter », s’amuse un Thierry Henry hilare. « C’est un gars entier, un gars sûr » glisse Patrice Evra. Mais la citation la plus intéressante nous vient de Patrick Vieira, ancien joueur d’Arsenal : « Nico, le politiquement correct il ne sait pas faire. » Un ballet de phrases triées et balancées comme incipit d’un film documentaire pour enfin réussir à cerner et comprendre le cas Anelka.

Ce sportif pétri de talent, le joueur qu’on qualifie de surdoué, le même qui pouvait se mettre au-dessus des lois, même de celles du centre de formation de Clairefontaine – la légende dit qu’il pouvait aligner les blâmes sans se faire virer. Footballeur aux pieds d’or, à la percée affolante et à l’instinct du buteur comme rarement vu, Anelka profite d’un fauteuil et de la caméra de Franck Nataf pour dévoiler sa propre vérité, son ressenti. Le regard face à l’objectif, un pas de recul pour poser une vision périphérique d’une carrière étrange, en forme de montagnes russes, aussi belle que cauchemardesque.

« Je ne suis pas une victime »

Incompris et souvent taxé de personnage arrogant, Anelka a essuyé de multiples revers dans la presse. Les différentes attaques à son égard ont modelé une image de mauvais garçon complexe à gérer à la longue. Son rapide statut de star du ballon rond sera l’une des choses les plus dures à gérer pour le jeune joueur d’alors. Le point de saturation intervient durant son transfert d’Arsenal au Real Madrid : une somme astronomique de 220 millions de francs (34 millions d’euros) et le quotidien Marca collé à ses baskets comme cadeaux de bienvenue en Espagne. Conséquence d’un tel impact médiatique : le joueur de 20 ans entrevoit une vie qui ne va pas du tout lui plaire.

Une plaie béante se forme, un besoin d’être en accord avec ses choix. Anelka exprime un refus de se sentir victime, de jouer au mouton pendant sa carrière de footballeur ; se sentir fier, refusant de sortir de sa ligne directrice quitte à froisser les hautes instances. Là est l’intérêt du documentaire, brosser le portrait – ou plutôt redorer le blason – d’un joueur qui n’a jamais dévié de son chemin. En tête de gondole : l’affaire de Knysna, durant la Coupe du Monde de 2010. Une marque de son caractère loyal et droit. L’impact de la presse, surtout L’Équipe, a opéré comme une vraie bombe à retardement, entachant un groupe entier, en déformant l’affaire. Mais c’est surtout un Anelka éreinté et rincé qui va claquer la porte. Basta. L’incompris, c’est lui.

Les regrets de Liverpool et l’envie de retirer ce titre de champion d’Europe en 2000

Anelka revient sur sa carrière, explique ses regrets, son envie de rester intègre coûte que coûte. De sa blessure morale liée à son raté en finale de la Ligue des Champions en 2008 avec Chelsea, à la phrase sèche d’Aimé Jacquet quant à son éviction du groupe des Bleus pour la Coupe du Monde 98, Anelka se laisse bercer et profite d’une caméra bienveillante pour raconter sa version des choses. 1h34 à ressasser le passé et les non-dits. L’objectif de Nataf nous révèle un homme bien plus réfléchi et attachant qu’il ne l’est dépeint dans les médias.

Le gamin de Trappes se laisse même aller à quelques confidences : son souhait d’avoir voulu rester à Liverpool – un club qu’il adorait -, mais Houiller en a décidé autrement. Ou encore cet aveu étonnant de ne pas être fier du titre remporté à l’occasion de l’Euro 2000. « C’est le titre que je retirerais sans hésiter de mon palmarès. »

L’avénement d’un joueur précoce devenu otage médiatique, presque une tête de turque, cible facile de journalistes avides d’écorner l’image d’un sportif difficile à cerner. Nataf a tourné de 2012 à 2019 pour comprendre et se faire une idée de qui est le footballeur aux yeux du grand public. « Je fais ce que je veux », voilà la phrase qui résonne peut-être à la fin du film. Mais l’homme, tel qu’il est présenté ici, est à mille lieues de l’image véhiculée dans les médias. Nicolas Anelka est dorénavant perçu sous un autre jour grâce à un documentaire bien ficelé et assez profond. 1-0 Anelka, balle au centre.

Fiche technique : Réalisé par : Franck Nataf / Date de sortie : 5 août 2020 / Durée : 94 min / Chaîne : Netflix