HBO allume la mèche avec sa série documentaire « Allen v. Farrow ». L’encre a dégouliné et les médias s’en sont donnés à cœur joie pour relater l’affaire tristement célèbre : Woody Allen est-il ce monstre capable d’attouchements sexuels sur Dylan Farrow, sa fille adoptive ?
Une pluie d’archives nous plongent dans une vie familiale aux apparences heureuses. Des enfants se succèdent dans la maison du Connecticut sur les images que Mia Farrow tourne, munie de sa caméra, nous invitant dans une époque douce et joyeuse. Mais derrière cette petite vie de famille, Kirby Dick et Amy Ziering, les deux auteurs de The Invisible War, film traitant des violences sexuelles faites dans l’armée américaine, ou encore On The Record, racontant les abus dans l’industrie du hip-hop, s’attellent à mettre en lumière une affaire qui a particulièrement ébranlé l’opinion publique américaine.
La parole au clan Farrow
Depuis le 1er mars sur OCS, « Allen v. Farrow » propose une vision, celle du clan Farrow. Mia Farrow, Dylan Farrow, Ronan Farrow (né Satchel Farrow) dégainent l’artillerie lourde pour lyncher le paternel sur la place publique. Un défilé de témoignages qui ressemble à un parti pris des deux cinéastes. Là commence le contexte délicat de la série : cette partialité. Disposant de nombreux documents, comme des écoutes téléphoniques datant de 1992 entre Mia Farrow et Woody Allen à propos de ses agissements sur Dylan, mais également sur son idylle naissante avec sa fille adoptive Soon-Yi, l’histoire s’affiche comme la série à charge par excellence. Rappelons que Woody Allen, innocenté, martèle à qui veut l’entendre que son ex-femme s’en prend à lui par pure jalousie.
Un grand déballage familial que nous abordons dans la peau du voyeur, le regard inquisiteur et spectateur d’un règlement de compte au milieu d’un grand ring de boxe étalé sur 4 épisodes pour mettre Woody Allen KO. Il est difficile d’être objectif alors que les témoignages viennent d’un seul clan. Certes, sans prendre position, le sens unique qu’emprunte la série peut questionner, surtout que le cinéaste new-yorkais a refusé (logiquement) de prendre part au projet, tout comme sa femme Soon-Yi Previn.

Quand bien même, une vidéo de Dylan Farrow vient nous éclabousser. La petite fille de 7 ans, décrivant les abus de son père avec ses mots enfantins, affiche une réalité grinçante, une vérité difficile à taire. Un grand coup de pied dans la fourmilière, surtout à l’entame du 3ème épisode, par le biais d’une énième écoute téléphonique particulièrement forte, mais surtout marquée par le silence assourdissant de Woody Allen himself. Le silence est souvent la parfaite illustration d’un menteur, d’un coupable pris sur le fait accompli.
L’hypocrisie de l’industrie du cinéma
Mais ce qui rend la série intrigante – et toujours excessivement dérangeante – est la posture du cinéaste, toujours proche de Dylan, capturant cette affection sur plusieurs photos. Le malaise est latent, il vous prend à la gorge quand la seconde partie s’intéresse à l’hypocrisie de la profession – le cas du film Rainy Day in New York, avec les salaires reversés aux associations de Timothée Chalamet, Selena Gomez ou encore Griffin Newman, nous rappelle cette hypocrisie crasse et sans limite. L’industrie a joué l’autruche, elle s’est roulée dans le mensonge, elle s’est même rangée du côté du new-yorkais, profitant de gâcher lamentablement la carrière de Mia Farrow.
« Allen v. Farrow » insuffle différentes strates dans le script, tel un nouveau souffle pour comprendre l’équilibre entre la sphère familiale et la sphère publique. Les œuvres d’Allen sont là pour asseoir la personnalité étrange du réalisateur. Un narcissisme dégoulinant et une forme de manipulation qu’on perçoit durant les écoutes téléphoniques : Mia Farrow est effondrée et Woody Allen garde une distance glaçante.
Une véritable guerre médiatique qui oppose le facteur humain, cette jeune femme traumatisée et plongée dans une tempête : Dylan. « Allen v. Farrow » met surtout une bonne baffe à la superficialité du show-business, pour mettre en exergue un fait implacable : Woody Allen est/était célébré et reconnu par ses pairs en faisant des films qui exposaient ses déviances. Et cette éternelle question qui divise encore et toujours : faut-il séparer l’artiste de l’homme ? Le sujet reste délicat, mais faut-il rappeler que Woody Allen est marié à la fille adoptive de Mia Farrow…
Fiche technique : Réalisée par : Kirby Dick et Amy Ziering / Date de sortie : 1er mars 2021 / Plateforme : HBO – OCS