Séries à voir ou à éviter ? C’est l’heure du baromètre

Nous, La Vague : agir et fini de tergiverser (Netflix)

Après l’immersion folle et métaphysique de Dark et Dogs of Berlin, Netflix lance dans la jungle sérielle sa troisième production allemande. L’histoire ? Simple comme bonjour : une équipe de lycéens souhaitant amorcer un mouvement qu’ils vont nommer La Vague. À l’origine de ce raz-de-marée, Tristan Broch, joué par Ludwig Simon et ses faux-airs de Douglas Booth, le catalyseur des rancoeurs enfouies d’une jeunesse chauffée à blanc. Suivront Zazie, Lea, Rahim et Hagen pour compléter la clique. 

Tiré d’un best-seller datant de 1981 (un film avait déjà vu le jour en 2008, un carton à la clé), Nous, La Vague incarne les questionnements d’une nouvelle génération parée à faire voler en éclats l’ordre établi. Il faut agir et non tergiverser; Tristan est de ceux-là, un élève parachuté dans ce beau lycée de Meppersfeld où plus de 680 élèves s’instruisent comme de bons moutons. Ses agissements, sa propension à capter l’attention en fait l’élément central de l’histoire, tout en restant un personnage très mystérieux : qui est-il ? D’où vient-il ? Pourquoi cette allure débraillée ?

Lea (Luise Befort), l’élève modèle issue d’une famille aisée, succombera rapidement au charme du garçon mystérieux. À eux deux, ils seront les deux pierres angulaires du groupe. Sous la houlette de Tristan, Lea se découvre une conscience et se laisse submerger par La Vague. Un tsunami que les 5 acolytes vont faire s’abattre sur une ville groggy après les multiples manifestations. 

Une esthétique froide pour un sujet se voulant radical, frontal. Les 2 premiers épisodes réussissent à nous embarquer de manière convaincante avant de tomber dans certains travers de la série adolescente convenue. Des romances poussives et du sentimentalisme qui freinent le sujet principal : déconstruire la notion de capitalisme. L’immense diatribe sociale reprend à l’entame de l’épisode 5, délaissant son côté convenu pour aborder la véritable morale de l’histoire : une étude anthropologique et sociologique. Nous, La Vague est peut-être très opportuniste dans son propos, passant en revue les questions de véganisme, de racisme, d’écologie. 2019 transpire dans cette série – peut-être trop – et manque d’un pas de côté pour vraiment s’emparer du sujet de manière plus subtile et nuancée. Mais force est de constater, grâce à la verve de Ludwig Simon et son personnage aux sombres facettes, que la série n’est pas désagréable à suivre malgré des répétitions et un (gros) remous en milieu de récit. 

Procès d’un bourreau : l’homme qui vivait dans l’ombre (Netflix)

Sobibor, Treblinka, ces lieux ne font que réveiller un moment cruel et insupportable pour la communauté juive. Alors quand Ivan le Terrible est semble-t-il reconnu et écroué à Cleveland, plus de 40 ans plus tard, les victimes se dressent comme un seul homme pour obtenir justice. 

John Demjanjuk, grosses lunettes sur le nez et carrure imposante, se retrouve face à la cour suprême israélienne. Nous sommes en 1988. L’homme incriminé est un ancien ouvrier de la marque automobile Ford, un Ukrainien naturalisé Américain, habitant à Seven Hills située à Cleveland, dans l’état de l’Ohio. Mais son passé resurgit le jour où une photo sur un document apparaît. Les Juifs se rappellent d’un tueur sanguinaire, le rire diabolique, l’épée à la main, se tenant fier comme un paon devant les chambres à gaz. John aurait des milliers de morts sur la conscience; il poussait même enfants et femmes dans les chambres. La description de l’individu fait froid dans le dos. 

Images d’archives glaçantes et images télévisées du procès du siècle, Procès d’un bourreau (The Devil Next Door) est un retour en arrière, une immersion cruelle et passionnante à travers l’un des pires épisodes de notre Histoire, si ce n’est le pire. Mais pas que, puisque la série de 5 épisodes évoque les manigances perpétrées par le KGB et cette guerre froide latente, mais diablement présente à travers toute la série. 

Des avocats du « bourreau » à la famille de Demjanjuk en passant par des historiens, Procès d’un bourreau place le récit sur la corde raide, celle de mettre en doute les témoignages poignants de milliers de Juifs, ainsi que la présomption d’innocence souvent bafouée par l’opinion générale. Il est aussi question de la compréhension du statut des survivants, perçus comme des « coupables » à leur arrivée en Israël pour avoir réussi à échapper à la mort. Un grand livre d’histoire ouvert, à travers un procès haletant, dont les pages sont plus intéressantes les unes que les autres grâce à cet homme invisible, qui travaillait sans se plaindre, parlait rarement et disparaissait dans l’ombre… 

American Son : une disparition sur fond de débat identitaire (Netflix)

Une prise de bec avec son fils Jamal et l’ado part sans donner de nouvelles. Kendra (Kerry Washington) se fait un sang d’encre et débarque à la police désemparée pour signaler la disparition de son rejeton. Une attente qui va s’éterniser et durer une nuit entière dans un commissariat lugubre. Mais où est Jamal ? 

American Son est le parfait exemple du manque de nuance des Américains. Kenny Leon, en adaptant une pièce de Christopher Demos-Brown, se prend sévèrement les pieds dans le tapis en misant sur un film qui dépeint une Amérique encore profondément raciste, où les questions d’identité et d’héritage se perdent dans un genre de huis-clos si appuyé et ridicule, que même la performance de Kerry Washington est laborieuse – pour une actrice de ce calibre, c’est presque un exploit. 

Une grande diatribe faisant écho aux failles béantes de notre époque qu’un casting récite par coeur sans véritablement habiter l’histoire. Il manque un vertige, une réelle émotion pour se sentir foudroyer par le propos. Tout est maladroit, les humeurs sont changeantes et ce de manière incompréhensible. American Son est une longue scène de ménage sur fond de politique identitaire s’étirant sur plus de 1h30 sans déclencher la moindre émotion. On évite.