Locarno 2018 | Genèse : les premiers amours en mouvement

L’amour sous forme de trois histoires diamétralement différentes. Dans un internat pour garçons, Guillaume (Théodore Pellerin) est le petit bout-en-train, le petit malin qui aime imiter ses profs et joue de sa répartie pour asseoir son autorité sur les autres. Enfin, c’est ce que pense M. Perrier (Paul Ahmarani), son prof, lui qui le trouve arrogant, méprisant. Son tempérament le dégoûte. Guillaume Bonnet, un jeune homme de ce bois là ? Derrière les apparences se cachent souvent une tout autre personne, un être pas totalement en accord avec lui-même. Guillaume se cherche, lit bouquins sur bouquins et se lance des défis comme intégrer l’équipe de hockey. Mais son problème est plus profond : son amour grandissant pour son meilleur ami. Tout lui tombe dessus, l’immense massue de l’amour lui frappe sur la tête. Du regard sérieux et presque moqueur, ses yeux montrent une autre facette, celle d’un visage désemparé et perdu face à un sentiment complexe. Le masque tombe et Guillaume se met à nu face à son pote de toujours, quitte à se prendre une veste. Là, le mépris fait place à la fragilité.

Outre Guillaume, il y a sa demi-soeur, Charlotte (Noée Abita). D’abord en couple, elle ne goûte que très peu à la demande maladroite de son petit copain pour entamer un genre de relation libre. Froissée, Charlotte se lâche, sort à tout-va en boîtes de nuit et dans les bars. Et qui dit boîte de nuit et bar, dit rencontres au pluriel. Elle explore d’autres relations, laisse derrière elle son innocence pour fréquenter des hommes plus âgés. Naïve qu’elle est, elle se fait mener en bateau par une première relation, avant de vraiment découvrir un côté plus sombre de la sexualité. Qui s’y frotte s’y pique.

Trois histoires, trois logiques amoureuses différentes

La sexualité et les premiers pas d’un futur amour. Les premières amourettes sont souvent scabreuses, intransigeantes et ô combien monstrueuses. Se dévoiler, tenter le premier pas, la peur rôde, elle vous paralyse. Tétanisé et sans défense. Pour la troisième histoire, Philippe Lesage semble nous présenter un premier amour, celui instinctif et innocent. Mettre des mots sur cette attraction physique et chimique, voilà ce que Genèse nous montre. Le coeur qui bat la chamade, les mains qui s’attrapent, les regards qui se croisent pour tenter de capter l’attention de l’autre. La genèse d’une relation, les origines de notre mal-être et de notre bonheur.

Photo copyright : FunFilm

Une troisième et dernière histoire qui intrigue dans la construction initiale du récit. Les différentes histoires vécues par Guillaume et Charlotte sont exposées habilement, visitées et décortiquées, bichonnées. S’il est parfois compliqué de comprendre où veut en venir Lesage dans la forme, il est intéressant de souligner les moments clés, les séquences qui mettent le feu aux poudres. Un échange entre adolescents maladroits ou une prise à parti. La souffrance psychologique rôde autour des premières histoires d’amour scabreuses. Elles sont amères et sans pitié. Un regard, une discussion, un coup de foudre et une approche. La jeunesse, moment charnière, là où la promesse d’une première rencontre va possiblement vous transcender ou vous descendre plus bas que terre.

L’excellent Théodore Pellerin

La jeunesse, thème fétiche de Lesage, est parfaitement portée par Théodore Pellerin et Noée Abita. Le jeune canadien est comme une révélation, un acteur intense au regard profond. Pellerin évolue comme son personnage, du regard moqueur à la tendresse personnifiée. Tout est dans le mouvement, la gestuelle du frêle comédien. Son monologue pour avouer son amour naissant est d’une belle justesse, aussi juste que son regard vide au moment où il s’aperçoit que ses aveux vont lui créer un tort impossible à effacer. Noée Abita synthétise à merveille le sentiment partagé d’une jeune fille tiraillée entre l’émancipation sexuelle et la beauté d’un amour sincère. Sur un terrain glissant, la jeune actrice française démontre une maîtrise, une fragilité et une naïveté touchante.

Genèse explore l’intériorité du questionnement amoureux. Oser se mettre à nu, se lancer à corps perdu face à une horde d’inconnus pour avouer au grand jour son amour. Le début d’un long chemin de croix où la beauté va croiser la tristesse. En amour, il faut avoir le courage de ses choix. Le retour de bâton peut être extrêmement difficile à avaler. Une ode aux premiers amours en trois actes, en trois dénouements. Philippe Lesage dépeint une fresque en mouvement, physique et psychique, touchante comme il faut, rythmée par le morceau « Outside » de Tops.

Casting : Théodore Pellerin, Noée Abita, Brett Dier, Pierre-Luc Funk, Emilie Bierre, Paul Ahmarani, Edouard Tremblay-Grenier

Fiche technique : Réalisé par : Philippe Lesage / Date de sortie : – / Durée : 130 min / Scénario : Philippe Lesage